Monday, October 04, 2010
France-Algérie: La paix des braves
Réconciliation spectaculaire entre Paris et Alger, qui ont aplani leurs différends après des années de crise
"La relation est tellement forte entre nos deux pays qu’elle ne peut pas rester indéfiniment sur une pente descendante." Ainsi philosophe Jean-Pierre Chevènement, président d’honneur du MRC, de retour d’un voyage en Algérie où il a rencontré le président Bouteflika, donné deux conférences sur la laïcité, à Alger et à Oran, et reçu au total un accueil digne d’un chef d’Etat. Une visite pour laquelle il n’était pas missionné, prend-il soin de préciser, mais dont l’ambiance a tout de même donné le ton du net réchauffement en cours entre la France et l’Algérie.
Le dernier signe, et le plus tangible, de cette décrispation est apparu il y a huit jours. Le 25 septembre, le président de l’Assemblée populaire nationale algérienne (APN), Abdelaziz Ziari, fait savoir qu’une proposition de loi criminalisant le colonialisme français, qui attendait depuis sept mois d’être examinée par les députés, est écartée de l’ordre du jour. Un geste éminemment politique : la relégation de ce texte au fond d’un tiroir clôt un cycle de cinq ans où les relations franco-algériennes ont oscillé entre le mauvais et l’exécrable. C’est une autre loi mémorielle, côté français celle-ci, et affirmant le "rôle positif" de la colonisation, qui avait mis le feu aux poudres en 2005. Le texte qui vient d’être retiré y répondait directement.
Si le fond des tensions repose sur des plaies historiques restées ouvertes, l’étape décisive de la normalisation a sans doute été judiciaire aux yeux des responsables algériens : c’est le non-lieu prononcé le 31 août par la cour d’appel de Paris en faveur d’un diplomate dont la mise en cause dans le dossier de l’assassinat de l’opposant Ali Mecili avait provoqué leur fureur. Auparavant, deux visites à Alger du secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant, en février et en juin, avaient permis de renouer des contacts entre les têtes des deux exécutifs.
Les discussions reprennent sur des dossiers délicats
Le ciel semble à présent dégagé. Et, à Paris, on annonce "des manifestations visibles de cette reprise d’une relation apaisée". L’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui vient d’être chargé d’une mission de coopération économique entre les deux pays, doit se déplacer à Alger dès la mi-novembre. La perspective d’un voyage à Paris du président algérien Abdelaziz Bouteflika, maintes fois repoussée, est de nouveau étudiée par les deux parties. Les discussions reprennent aussi, mais plus discrètement, sur d’autres dossiers délicats: la question des archives dites "de souveraineté" conservées à Aix-en-Provence, et dont Alger réclame la restitution; les conséquences des essais nucléaires français au Sahara; les visas et la circulation des personnes.
Pour autant, tout est loin d’être réglé. "C’est important que les relations se renouent, note l’historien Benjamin Stora, mais ce n’est pas pour autant que tout s’évanouit. Le nationalisme algérien est très profond et se transmet entre générations. Les difficultés ne se résument pas à une instrumentalisation de la mémoire par le pouvoir et les militaires."Stora voit approcher "une échéance importante", celle du cinquantenaire de l’indépendance algérienne en juillet 2012: "Est-ce que d’ici là on va se réconcilier avec une grande puissance géostratégique, ou allons-nous repartir dans la guerre des mémoires? Il suffit de pas grand-chose…" Une crainte que ne partage pas une source diplomatique française: "Cette amélioration des relations n’est pas si fragile, puisque c’est aussi un choix algérien", remarque-t-elle. A Paris, on veut croire que la "paix des braves" est bien signée.
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