USA. Election sur fond de crise économique
Hausse du prix de l’essence, effondrement du marché de l’immobilier, surendettement massif... C’est dans un contexte de grave crise économique que se déroule la campagne pour la présidentielle américaine de novembre prochain.
La capitale des États-Unis était plus animée qu’à l’habitude, le 4 juillet dernier. Habituellement, en ce jour de fête nationale, bon nombre de résidents quittent Washington pour aller à la plage, soit sur la baie de la Chesapeake, qui n’est éloignée que de quelques dizaines de kilomètres, soit au bord de la mer, un trajet de moins de trois heures en voiture. Seulement, en ce mois de juillet 2008, le prix de l’essence avait dépassé les quatre dollars le gallon.
Les ménages se serrent la ceinture Pour un Européen, ce prix est plutôt une bonne affaire puisqu’il se situe au-dessous d’un euro. Mais, pour les Américains, habitués à l’essence à très bon marché, et qui conduisent souvent des monstres automobiles dont la consommation atteint les 20 litres aux cent kilomètres, il s’agissait, et il s’agit encore aujourd’hui, malgré une baisse très relative du cours du pétrole, d’un véritable désastre. Beaucoup de ceux qui avaient l’habitude de quitter la ville, ce jour-là,
y sont donc restés, choisissant d’organiser un barbecue dans leur jardin plutôt qu’au bord de l’eau. Et même le menu de ce barbecue était plutôt tristounet. Cette année, dans les arrière-cours des maisons de la classe moyenne, le hamburger a fait sa réapparition. Ce n’est pas que la population américaine ait subi la crise de l’immobilier au point d’être contrainte de changer brutalement tout son mode de vie mais l’inquiétude devant l’avenir l’amène parfois à prendre des mesures de précaution qui peuvent paraître excessives. « Il y a quelques années encore, nous étions optimistes, disent Paul et Kris Richardson qui, heureusement pour eux, n’ont plus que trois ans de crédit à rembourser pour l’achat de leur maison. Nous pensions que, chaque année, cela irait mieux. Maintenant, nous pensons que notre génération sera la dernière à avoir connu une Amérique prospère et puissante ». L’automobiliste qui sortait de la capitale vers l’ouest pouvait tomber à la mi-juillet sur un spectacle stupéfiant. L’animateur autoproclamé d’une petite ville du Maryland, Rocky Twyman, organisait des séances de prière devant des stations-service pour faire baisser le prix de l’essence.
De plus en plus endettés Le rêve de tout Américain, comme de presque tout Français, est de posséder une maison confortable. Seulement, aux États-Unis, les centres-villes n’ont pas toujours bonne réputation. Ils ont été longtemps laissés à l’abandon et jusque dans les années quatre-vingt le taux de criminalité y était très élevé. Du coup, dans les rares quartiers considérés comme sûrs, le prix de l’immobilier atteint des prix extravagants. Tout étant fait par les banques pour faciliter le crédit immobilier et le prix de l’essence se situant à un niveau raisonnable, les salariés sont allés vivre de plus en plus loin et se sont de plus en plus endettés. Ce boom immobilier des banlieues permettait en cas d’urgence de revendre rapidement sa maison en empochant un bon bénéfice. C’est ce système qui risque de s’effondrer et dont la chute déjà partiellement enregistrée provoque une grande angoisse dans une bonne partie de la population. Nombre de banlieusards voudraient revendre des voitures trop gourmandes pour les échanger contre de plus petits modèles. Mais, ce marché-là s’est effondré. Les pages des quotidiens sont remplies d’annonces proposant des grosses cylindrées à des prix cassés. « J’ai un Hummer (énorme véhicule aux allures de blindé), confesse Raymond Dionne, qui vit en Virginie. Je voudrais bien m’en débarrasser, mais il n’y a personne pour me le racheter. Il consomme trop et puis, autant au début de la guerre d’Irak, cela avait une allure patriotique autant aujourd’hui j’apparais comme un ennemi pour les défenseurs de l’environnement. »
Un espoir de changement A 300 kilomètres de là, dans la banlieue industrielle de Pittsburgh (Pennsylvanie), Ed Moore, un syndicaliste, représentatif de ceux que l’on appelait les « Reagan démocrats », c’est-à-dire les ouvriers de race blanche attachés à leurs traditions, ceux-là même qui ont assuré les succès du Parti républicain depuis 1980, résume ainsi sa vision de la situation : « Regardez bien ce quartier, ces maisons qui ne sont pas toutes en bon état. Vous aurez peut-être un peu de mal à comprendre pourquoi tant de gens ici ont voté républicain depuis Reagan, et même pour George W. Bush qui a fait tant de cadeaux fiscaux à ses amis milliardaires. Mais, c’est que les républicains parlaient un langage qu’ils comprenaient, le patriotisme, le droit de porter une arme. Ici, on va à la chasse, on prône les valeurs traditionnelles tandis que les démocrates leur apparaissaient trop futiles. Ils ont, du reste, pendant les primaires préféré Mrs. Clinton à l’autre qui leur semble trop show-biz et trop bronzé. Mais, maintenant, je n’exclus pas qu’ils reviennent, pas tous évidemment, vers le Parti démocrate. Les prix, et pas seulement celui de l’essence mais aussi ceux de l’alimentation, sont repartis à la hausse tandis que le salaire horaire n’a pas bougé et que, plus grave, le nombre d’heures de travail diminue. Autour d’eux, ils voient des usines qui réduisent leur personnel et ils se disent que l’élection est peut-être un moyen de changer les choses. Surtout qu’ils n’aiment pas du tout les prises de position de McCain en faveur du libre-échange. »
Grave récession en route En 1992, le cri de guerre de la campagne électorale de Bill Clinton, le seul démocrate qui ait réussi à interrompre le bail républicain à la Maison Blanche était : « The economy, stupid ! » ( « l’économie, idiot ! »). À l’époque, les États-Unis vivaient, à la suite de la première guerre du Golfe, une récession sans doute moins grave potentiellement que celle qui est en route aujourd’hui. Reste à savoir si Barack Obama sera capable de faire montre de la même énergie et de la même pugnacité que le mari d’Hillary.
Dominique Bromberger
Le spot télévisé qui fait scandale
Un spot télévisé pourrait-il renverser la tendance de l’élection présidentielle aux États-Unis ? En tout cas, ce spot est devenu le principal sujet de conversation pour ceux qui suivent la campagne. En quelques secondes se succèdent à l’image Paris Hilton, Britney Spears et... Barack Obama. Ce petit film a été concocté par Steve Schmidt, un des hommes clefs de la campagne de George W. Bush en 2004, surnommé « the bullet » (« la balle ») pour sa capacité de destruction de ses adversaires politiques. Le spot en question, en associant le candidat démocrate à deux « célébrités » spécialisées dans la provocation à Hollywood, a deux objectifs. Le premier, évident, consiste à introduire dans l’esprit des électeurs l’idée que le sénateur de l’Illinois est plus une personnalité du show-biz que le « commandant en chef » dont l’Amérique a besoin en période de crise, un homme plus intéressé par sa popularité personnelle que par la solution des grands problèmes que vit la nation. Et il est vrai que Barack Obama en attirant constamment l’attention sur sa personne - il a déjà publié deux autobiographies - peut prêter le flanc à ce genre de critique. 48 % des Américains répondent aux enquêtes d’opinion qu’ils ont trop entendu parler de lui.
La question de la race L’autre objectif est plus subliminal. Les sondages montrent que, bien que la question de la race ne soit jamais abordée, elle est toujours présente notamment à l’esprit de la seule catégorie de la population chez laquelle le candidat démocrate n’obtient pas la majorité, celle des hommes de race blanche. Or, associer l’image d’un homme de couleur à celle de deux blondes « scandaleuses » est destiné à provoquer chez ceux-ci un réflexe d’hostilité sur une base de concurrence sexuelle. Déjà, la droite conservatrice et religieuse présente Obama comme « l’Antéchrist » dans ses blogs. Le spot a pour but de répandre cette image de façon plus indirecte. Est-ce le résultat de cette manœuvre télévisuelle ? Pour la première fois, un sondage fait apparaître que, parmi les électeurs décidés à aller voter, John McCain devance son concurrent. Dans les autres sondages, ceux qui portent sur l’ensemble du public américain, le démocrate tient toujours la tête. Mais son avance se réduit. Ce qui a amené les spécialistes à s’interroger. Pourquoi, dans un pays où 80 % des personnes interrogées estiment que la politique menée est mauvaise, l’opposant au président sortant ne parvient-il pas à obtenir de meilleurs résultats ? Un ancien conseiller de Bill Clinton juge que c’est parce que le Parti démocrate a fait de cette élection un référendum sur la personne d’Obama et non sur les résultats de la politique de George W. Bush. Et comme, les élections précédentes l’ont montré, les électeurs choisissent plus un homme qu’une politique, les démocrates ont peut-être, quand même, un peu de souci à se faire.