Les guitaristes Nguyên Lê et Philippe Catherine ont fait un tabac, un « tapage nocturne ».
Constantine
De notre envoyé spécial
Le dialogue entre la guitare et la trompette était parfait en cette soirée pluvieuse à Constantine. Les belges, Philippe Catherine et Philippe Aerts, se parlaient, s’entendaient et s’amusaient sur la scène du théâtre régional de Constantine (TRC) où se tient le festival international du jazz (Dimajazz). Au milieu, Bert Joris, à la basse s’éclatait lui aussi à sa manière. A twice a week (deux fois par semaine) lançait un concert de plus d’une heure. Le trio enchaînait avec How deep is the ocean ? (quelle est la profondeur de l’océan ?). Autant dire que le public, bavard au début, se laissait emporter par les vagues mélodiques d’une fraîcheur irrésistible. Philippe Catherine prenait le soin d’expliquer les titres qu’il interprétait dont cet hommage rendu à sa mère, Letter from my mother, qui lui a valu une salve d’applaudissements.
Toutes les couleurs du jazz étaient touchées par le trio. Philippe Catherine, qui ne se lasse jamais de chercher la perfection, est à l’avant-garde du jazz européen. Il doit beaucoup à son grand-père, violoniste à l’orchestre symphonique de Londres, mais aussi à Georges Brassens, qui l’a convaincu, rien qu’en l’écoutant, que la guitare était l’instrument de sa vie. Depuis 1961, et sa rencontre avec Lou Benett, Philippe Catherine ne s’arrête pas de tourner, de produire, de créer… Il vient à peine de sortir un album, Live at Cap Breton, résultat d’un récital exceptionnel avec Hein Van de Geyn et Joe Labarbera. En 2008, il a produit son unique album en solo, Guitars two. Autre son, autre créativité.
Le franco-vietnamien, Nguyên Lê, a embarqué les présents sur le bateau ivre du jazz aux sonorités rock. Avec les mains endiablées d’un Francis Lassus à la batterie et d’un Linley Marthe à la basse, l’adhésion du jeune public en attente de plus de rythmes. Nguyên Lê connaît parfaitement les « Dimajazziens », puisqu’il avait déjà pris part à l’édition de 2006 pour célébrer Jimmy Hendrix. Vendredi soir, il a presque cassé la baraque. Il n’est pas « funambule de l’instrument » pour rien !
Second couteau avec Karim Ziad
A 51 ans, il a déjà produit 15 albums, le dernier en date remonte à 2009. Saiyuki est un album particulier, puisque Nguyên Lê a fait appel au japonais, Mieko Miyazaki, et à l’indien, Prabhu Edouard. L’artiste s’inspire sans complexe des mélodies traditionnelles asiatiques. A Constantine, il a joué Le cheval noir, inspiré d’un chant festif vietnamien. « Le son du galop est un symbole de la gaieté. Celle-ci est universelle. J’avoue que toutes les cultures m’inspirent. J’aime aussi l’improvisation, car on est d’abord des jazzmen. Le rock est pour moi une énergie, pas un style. Cette énergie me permet de communiquer rapidement avec le public », nous a expliqué, à la fin du spectacle, Nguyên Lê.
L’artiste a avoué aimer le public constantinois. « Je n’ai jamais vu un public aussi chaud et enthiousiaste », a-t-il appuyé. Bientôt, Nguyên Lê va jouer avec le jazzman algérien, Karim Ziad, et le maître gnawi marocain, Hamid El Kasr, pour produire un album et animer des concerts. « Les musiques algériennes et marocaines se ressemblent. Les frontières sont plus coloniales qu’historiques », a relevé l’artiste qui a travaillé avec Mami et Safy Boutella.
Par Fayçal Métaoui