Nicolas Sarkozy entend profiter de la présence de 13 pays d'Afrique francophone à la fête du 14-Juillet pour réaffirmer la volonté de la France de refonder ses relations avec ses anciennes colonies.
Le président français le fera mardi lors d'un déjeuner de travail avec les chefs d'Etat de 12 des 14 pays d'Afrique francophone subsaharienne qui fêtent le 50e anniversaire de leur accession à l'indépendance en 1960, dit l'Elysée.
Quelque 400 soldats venus de 13 de ces pays ouvriront le lendemain le traditionnel défilé militaire du 14-Juillet sur les Champs Elysées, en présence des mêmes dirigeants.
Le président ivoirien Laurent Gbagbo a décliné l'invitation de Nicolas Sarkozy mais sera représenté par son ministre de la Défense. Son homologue malgache n'a pas été invité en raison du contexte politique troublé régnant à Madagascar.
Andry Rajoelina, qui a pris le pouvoir à la faveur d'un soulèvement populaire en 2009, n'avait pas non plus été invité au 25e sommet France-Afrique, qui s'est tenu fin mai à Nice.
Depuis son élection en 2007, Nicolas Sarkozy a fait de la remise à plat et du rééquilibrage des relations entre la France et l'Afrique un objectif de sa politique sur le continent noir.
Il n'est cependant pas parvenu, jusqu'ici, à dissiper les doutes sur la survivance de la "Françafrique", un système de relations hérité de l'ère postcoloniale et reposant sur des réseaux d'influence au service de régimes contestés.
TOURNANT
L'écrivain et académicien Jean-Christophe Rufin a ainsi dénoncé ce mois-ci un retour des "vieux travers" de la politique africaine de la France, à peine de retour d'une mission de trois ans comme ambassadeur au Sénégal.
Il a notamment mis en cause, dans une interview au journal Le Monde, le rôle du secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, homme de confiance du président de la République.
Nicolas Sarkozy entend donc profiter du 50e anniversaire de ses 14 ex-colonies pour marquer qu'il y a bien un tournant dans les relations entre la France et ces pays, dit-on à l'Elysée.
"Nos relations ne peuvent pas rester les mêmes, même si tourner la page ne veut pas dire renoncer à avoir des relations privilégiées", explique-t-on.
La présidence française assure, en réponse aux critiques concernant la participation de militaires de ces pays au défilé du 14-Juillet, que "ce n'est pas aux soldats d'aujourd'hui mais aux anciens combattants d'hier que nous rendons hommage", notamment à ceux qui ont répondu à l'appel du Général de Gaulle à résister au nazisme, le 18 juin 1940.
Nicolas Sarkozy avait redit à Nice sa volonté de développer les relations de la France avec tout le continent africain, pas seulement les pays francophones. Un changement déjà largement engagé, dit-on à l'Elysée, chiffres à l'appui.
Si 52% des 8,9 milliards d'euros de l'aide publique française au développement sont allés au continent africain en 2009, Afrique du Nord comprise, les 14 pays francophones en question n'en ont recueilli que 18% (1,448 milliard d'euro).
RÉVISION DES ACCORDS DE DÉFENSE
En 1960, la "zone franc" absorbait 40% des exportations de la France ; ses échanges avec la même zone représentent moins de 2,0% de son commerce extérieur maintenant, souligne l'Elysée.
Le Gabon n'est que le 19e fournisseur de pétrole de la France après le Brésil et représente 1% de la production de pétrolière du groupe français Total, selon la même source.
Il y avait 25.000 soldats français en Afrique francophone en 1960. Il y en a maintenant moins de 5.000, dans une poignée de pays - Djibouti, Gabon, Sénégal, Tchad, Côte d'Ivoire.
Huit anciennes colonies françaises sont concernées par la révision d'accords de défense conclus après la décolonisation - Cameroun, Togo, Gabon, République centrafricaine, Sénégal, Djibouti, Comores et Côte d'Ivoire.
De nouveaux accords "de partenariat de défense" ont été signés avec les quatre premiers pays (pour le Togo et le Cameroun, ils sont en cours de ratification par le Parlement français). Trois autres sont en négociation. Le cas de la Côte d'Ivoire est suspendu à l'organisation d'élections dans ce pays.