Initiative industrielle unique en son genre, destinée à développer, à partir des déserts du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA), un approvisionnement en énergie solaire, le projet Desertec est en passe de connaître enfin un avenir. En effet, les statuts de la société DII GmbH ont été signés vendredi dernier à Munich par le groupe des membres fondateurs composé de douze sociétés et de la Fondation DESERTEC. L’entreprise DII est chargée ainsi, de réaliser une analyse approfondie et de mettre en place une structure pour les investissements destinés à l’approvisionnement de la région MENA et de l'Europe en électricité produite à partir des sources d’énergie solaire et éolienne. Ce projet d’envergure exige toutefois un financement à la hauteur de ses ambitions avec un coût estimé à 400 milliards d'euros pour la mise en œuvre d'un réseau électrique jusqu'en Europe. Des études effectuées par le Centre Aérospatial Allemand (DLR) montrent que les centrales thermiques solaires pourront, surtout dans les régions désertiques, couvrir dans les 40 ans à venir plus de la moitié des besoins énergétiques nécessaires sous forme d’électricité de la région EUMENA (Europe, Moyen Orient, Afrique du Nord) d’une manière économique. Aussi, à partir de 2020, l'électricité solaire pourrait même devenir l'option énergétique la plus abordable. D'ici 2050, les importations en provenance d'Afrique du Nord pourraient couvrir environ 15% de la demande nationale allemande en électricité. Particulièrement sûre et disponible, cette ressource renouvelable apporterait une excellente contribution au mix énergétique global. De nouvelles infrastructures haute tension seront nécessaires pour relier l'Europe aux zones ensoleillées d'Afrique longues de 4000km. Si la technologie actuelle propose des lignes à courant continu de 600kV, la prochaine génération passera à 800kV et sera caractérisée par une réduction des pertes et des coûts. Selon DESERTEC, comme les lignes de transmission modernes en Courant Continu Haute Tension (CCHT) permettent de transporter le courant avec des pertes inférieures à 3% par 1.000 km de distance, plus de 90 % de l'humanité dans des rayons jusqu'à 3 000 km pourraient en profiter. Toujours selon les calculs du DLR, les coûts estimés pour la construction de 20 lignes de 5 GW chacune s’élèveraient au total à environ 45 milliards d’euros. Depuis l’annonce de sa création en juillet, DII a reçu le soutien d’un très grand nombre d’institutions politiques et gouvernementales dans la région MENA et en Europe. Il est ainsi prévu par exemple que DII collabore étroitement avec le Plan Solaire Méditerranéen (PSM), une initiative lancée en 2008 par la présidence française du Conseil de l’Union européenne dans le cadre de l’« Union pour la Méditerranée ». Le Plan Solaire Méditerranéen vise à la création d’un nouvel équilibre dans les relations nord-sud basé sur le développement de projets énergétiques durables. Les deux initiatives – initiative politique pour le PSM et initiative privée pour DII – partagent des objectifs similaires et peuvent donc s’apporter un soutien mutuel. Plusieurs entreprises se sont associées pour créer DII : ABB, ABENGOA Solar, Cevital, la Fondation DESERTEC, Deutsche Bank, E.ON, HSH Nordbank, MAN Solar Millenium, Munich Re, M+W Zander, RWE, SCHOTT Solar et Siemens. Dans un avenir proche, d’autres sociétés de différents pays rejoindront DII en tant qu’associées ou partenaires, afin d’élargir la base du soutien apporté par les pays de la zone EUMENA. Les bureaux de DII seront situés à Munich.Dans la perspective de l’important Sommet de l’ONU sur le climat qui se tiendra à Copenhague, cette initiative du secteur privé démontre que l’exploitation des potentiels d’affaires est conciliable avec des objectifs de développement durable.Les déserts de notre planète reçoivent en 6 heures plus d'énergie solaire que n'en consomme l'humanité en toute une année. C'est pourquoi, la raison d'être du projet Desertec reviendrait à savoir "comment transformer économiquement cette énergie rayonnante en énergie utilisable et transportable jusqu'aux consommateurs », estiment ses concepteurs. De ce fait, le projet prend une envergure universelle : «Théoriquement, un millième de la superficie des déserts suffirait à couvrir la demande mondiale en électricité», ont estimé les experts. Que dire de plus ?Amel Zemouri