Que vaut le «plan solaire» pour l’Union pour la Méditerranée?Par le Pr. Robert Lanquar
Des mois durant, ses détracteurs avaient proclamé sa prochaine disparition en raison du conflit proche-oriental. Aujourd’hui, l’Union pour la Méditerranée poursuit les travaux commencés lors du Sommet de Paris du 13 juillet 2008 et de la Conférence de Marseille des 3 et 4 novembre 2008. La coprésidence franco-égyptienne a notamment tenu une première réunion sur les projets de développement durable le 25 juin 2009 pour traiter de quatre enjeux majeurs: l’eau et l’environnement, les transports, l’énergie et le développement urbain.C’est que les enjeux du développement durable se posent avec une particulière acuité en Méditerranée qui se trouve confrontée à des dangers qu’on ne peut plus dissimuler derrière la crise financière et économique. Ses 520 millions d’habitants en 2025 subiront de plein fouet les effets du changement climatique: manque d’eau pour plus de la moitié des Méditerranéens, biodiversité qui se dégrade de plus en plus vite, besoins énergétiques qui demandent de grands investissements. Dans son rapport «le coût humain du changement climatique» publié en juillet 2009, l’ONG Oxfam démontre que le changement climatique aura des effets sur l’ensemble des questions liées à la pauvreté et au développement et prévient que, sans une action immédiate, 50 ans de développement seront définitivement perdus. Dans certaines régions en Afrique du Nord, les revenus nets de récolte pourraient chuter de presque 90% d’ici 2100. Les enquêtes se multiplient comme celle effectuée dans le cadre de Megapoli («Megacities: emissions, urban, regional and global atmospheric pollution and climate effects, and integrated tools for assessment and mitigation») qui pourrait bientôt s’étendre aux pays associés et de l’instrument de voisinage. Il s’agit d’une vaste campagne européenne de mesure de la pollution de l’air, la plus importante jamais lancée au sein de l’Union européenne afin d’étudier les sources de pollution particulaire en milieu urbain.
Agenda lourdLors du Sommet de l’ONU sur le climat de Copenhague en décembre 2009, les dirigeants devront surmonter leurs divergences et se rassembler autour d’un projet politique mondial fondé sur un constat scientifique objectif; il s’agira de remplacer le protocole de Kyoto pour la réduction du CO2 après 2012 et lui donner une suite qui soit à la hauteur des enjeux des décennies à venir. «Le résultat de cette conférence dessinera l’avenir climatique de l’humanité», soulignent les ONG. Auparavant, les représentants climatiques du monde entier se retrouvent à Bonn en Allemagne maintenant pour en discuter. Ces discussions seront thématiques et informelles, tout comme les rassemblements déjà prévus à Bangkok et à Barcelone, en plus des forums de Pittsburgh (Pennsylvanie) et New York. Tous ces rassemblements auront pour thème principal «le problème du changement climatique et la façon dont le monde peut lutter contre ce phénomène à partir d’une première ébauche de nouveau Protocole». En Méditerranée, les projets de l’UPM veulent non seulement protéger l’environnement mais aussi créer de l’emploi, développer les territoires, promouvoir des technologies ou des concepts innovants et faire connaître les réalisations exemplaires en particulier dans le domaine de l’énergie, de la dépollution et de l’eau. Sur la question du changement climatique, le monde arabe souffre d’une absence de représentation et l’Union pour la Méditerranée pourrait la lui fournir.
L’Afrique du Nord et l´énergie solaireLes industriels de l’énergie - surtout les Allemands et les espagnols - comptent fournir d’ici 2020-2025 plus de 15% de l’électricité européenne à partir du Plan solaire méditerranéen (PSM), un des projets pilotes de l’Union pour la méditerranée. Faisant suite à la réunion d’Alexandrie du 30 avril 2009 sur le financement des infrastructures dans la région euroméditerranéenne, la priorité mise sur le Plan solaire est le prix payé aux industriels allemands pour leur faire accepter l’UPM. Les grandes agences internationales et les pays bailleurs s’y intéressent de près, car la réussite du projet aura des conséquences directes sur toutes les zones désertiques et tropicales du monde: Afrique subsaharienne, Amérique latine, Asie centrale… notamment le centre de transfert technologique dans le domaine du solaire de l’Unido, dont le siège est à Vienne. Plus de 30 acteurs internationaux sont déjà impliqués; le fonds pour l’environnement mondial (FEM) de la Banque mondiale intervient fortement dans ce domaine: plus de 50 millions de dollars au Maroc sur une centrale thermique solaire, une autre qui se construit en Egypte, etc.La France est en train de réagir, mais choisit le photovoltaïque. Jean-Louis Borloo, ministre français de l’Ecologie et de l’Energie a souligné le 23 juillet que son ambition était de faire de son pays un leader mondial des énergies renouvelables et qu’il parrainait l’annonce d’une usine de panneaux solaires photovoltaïques cofinancée par EDF Energies nouvelles et l’américain First Solar. Dans ce domaine la concurrence chinoise est féroce, les Chinois dominent le marché et ont réduit considérablement les coûts de production, seul facteur qui a limité le développement du photovoltaïque. L’Association européenne de l’industrie photovoltaïque (EPIA) pense que, d’ici 2020, les progrès techniques rendront possible une énergie solaire parfaitement compétitive qui pourra alors de passer d’aides publiques. Si le Plan solaire réussit, l’Union pour la Méditerranée aura fait d’une pierre trois coups: des énergies renouvelables à grande échelle et à bas coût, du développement durable et une image renforcée par ces succès.
«Desertec Industriel Initiative»
Les entreprises allemandes s’enthousiasment pour le projet énergétique «Desertec»: 400.000 millions d’euros seraient dépensés pour construire un grand réseau de centrales solaires depuis le Maroc jusqu’à l’Egypte, pour couvrir non seulement les besoins de ces pays, mais jusqu’à 15% de la demande européenne d’énergie. L’entreprise sévillane Abengoa multiplie les alliances comme avec la Deutsche Bank et l’assureur Münchener Rück et vient d’entrer comme associé fondateur de Desertec avec le consortium allemand EON et le suisse ABB comme il a été annoncé lors d’une conférence à Munich où participaient entre autres, la Ligue arabe, le ministère égyptien de l’Energie et le Club de Rome. Le projet comporte le tracé de trois routes de lignes électriques de haute tension, de l’Egypte à l’Europe du Nord en passant par la Turquie, de la Tunisie à l’Italie et la dernière du Maroc à l’Espagne. La chancelière Angela Merkel et le président de la Commission européenne Durao Barroso s’en félicitent. Ce ne serait pas un rêve futuriste, puisque technologiquement il serait réalisable; d’ici trois ans, Desertec pourrait devenir une réalité. Les partenaires seront réunis dans une société anonyme d’ici octobre 2009. Abengoa amène une technologie pionnière avec déjà deux projets pilotes d’usines thermo-solaires de cycle combiné en Algérie et au Maroc, c’est-à-dire que la chaleur peut être accumulée pour la nuit ou quand le soleil ne brille pas et produire ainsi de l’électricité de manière constante. En plus, ces fermes solaires pourraient devenir des attractions touristiques!
Nador, le grand port énergétique de l’Afrique du Nord
Avant la crise, le chinois Hutchinson, leader de la manutention de conteneurs, prévoyait à 20 km à l’ouest de Nador, au niveau de la Pointe noire-Chemlala, la construction d’un «port pivot global pour l’éclatement des conteneurs transitant par les lignes est-ouest le long de la route équatoriale» qui ne serait fréquenté que par des porte-conteneurs géants de 10.000 à 12.000 conteneurs (pour l’horizon 2015-2020). Mais le 2 juillet 2009, le gouvernement marocain confirmait son ambition stratégique à long terme (2025) de positionner le pays sur la carte des grandes routes maritimes internationales par la réalisation progressive à Nador d’un complexe intégré portuaire, industriel, énergétique et commercial érigé sur un foncier public de 850 ha. «Nador West Med» (NWM) comprendrait un «port en eaux profondes, un pôle énergétique (production, conditionnement, stockage), une plate-forme portuaire dotée de capacités importantes pour le transbordement des conteneurs, l’import-export et le traitement des produits vrac et une plate-forme industrielle intégrée ouverte aux investisseurs nationaux et étrangers, et destinée à abriter les métiers mondiaux du Maroc (MMM)». La zone franche de «Nador West Med» serait réalisée, plus loin que Pointe-noire, au niveau de l’estuaire de l’oued Kert dans la baie de Betoya, à 30 km à l’ouest de Nador. Les travaux pourraient débuter en 2010 par la mise en place d’une plate-forme énergétique dédiée essentiellement à l’export, avec des installations de stockage d’hydrocarbures répondant aux standards internationaux,