Monday, August 02, 2010
Céramique algérienne de la dextérité des artisans céramistes
Forme plus affinée de la poterie rurale, la céramique algérienne ne s’est pas toujours faite connaître sous son aspect actuel. Marquée, en effet, par plusieurs influences, notamment phénicienne et romaine, elle atteindra, néanmoins, l’apogée à l’époque musulmane. Les musulmans apporteront à cet art une nouvelle touche, beaucoup plus significative. Depuis, la céramique d’art ne cessera d’évoluer, pour devenir, aujourd’hui, une référence à travers le monde. La céramique en terre d’Islam La céramique musulmane montre comment les artisans de l’Islam se sont inspirés des techniques et de l’iconographie des pays conquis, tout en les transformant à la lumière d’un contexte religieux nouveau. De même, ils assimilèrent très tôt le vocabulaire décoratif propre à la Chine , pays avec lequel les contacts étaient fréquents le long de la route de la soie. Dès le IXe siècle, ils cherchèrent à imiter les grès chinois puis, à partir du XVIe siècle, la porcelaine et ses décors. Cet art hétérogène, comme l’espace dont il est issu, fut aussi novateur. En effet, les céramistes musulmans mirent au point deux techniques qui connurent une grande fortune d’abord dans les pays musulmans puis en Europe par l’intermédiaire de l’Espagne : la faïence et le lustre métallique. Céramique algérienne sous le règne des Hammadites C’est sous le règne de la dynastie hammadite que la céramique algérienne s’est surtout développée. Installée dans la Qalaâ des Beni Hammad, au cœur des Hauts-Plateaux dont elle fit sa capitale, cette dynastie berbère développera un véritable pole culturel et civilisationnel. A la Qalaâ des Beni-Hammad, au XIe siècle, a été surpris l’éveil lointain de la céramique algérienne. L’art bougiote, au XIIe siècle, s’en inspira largement. La capitale des Hammadites excella rapidement dans la fabrication de la belle faïence à lustre d’or qu’elle exportait dans la Méditerranée Occidentale. N’a-t-on pas trouvé sur l’inventaire d’une pharmacie de Gênes, en 1312, des «faïences dorées» de Bougie ? Même si la Qalaâ est détruite par les tribus hilaliennes, on peut toujours retrouver dans les ruines de la cité, des traces de la splendide céramique qui s’y fabriquait, à l’image des briques vertes, des balustrades mauresques ou des tuiles tronçonniques. Néanmoins, d’autres centres urbains conservèrent l’art de la céramique à la fin du Moyen-Âge et cet artisanat s’est beaucoup plus enrichi avec le retour des musulmans d’Andalousie, chassés d’Espagne au XVIIe siècle. Tlemcen fut fastueuse et prodigue en céramique. Au XVIe siècle, Haëdo parvient à entrer dans certains intérieurs algérois. Il décrit : «Ils sont pour la plupart ornés sur leurs parois de carreaux de faïence de diverses couleurs.» Dès lors, la céramique sera très utilisée dans les fastes résidences des grandes villes algériennes. Des objets en céramique, inspirés des objets en poterie, seront alors largement usités par les riches familles. La céramique était alors ornée soit par estampage, soit par sculpture, selon des techniques connues depuis des siècles chez les artisans perses. Aujourd’hui, la céramique algérienne est basée surtout à Alger, mais nous la retrouvons également dans d’autres villes comme Tlemcen. Sa décoration varie selon les artisans. Elle est cependant dominée par les motifs arabesques, d’une très riche décoration végétale aux formes multiples et multicolores. Certaines céramiques sont ornées de calligraphie arabe alors que d’autres puisent dans le patrimoine ancestral le plus ancien, s’inspirant de peintures rupestres du Tassili ou des motifs berbères géométriques. Boumehdi, doyen des céramistes algériens On ne peut pas parler de la céramique algérienne sans parler du doyen Mohamed Boumehdi. Né à Blida en 1924 et découvrant la céramique à Berrouaghia en 1947, Mohamed Boumehdi n’obtient véritablement sa «chance» qu’en 1966, à la suite d’une rencontre fabuleuse avec l’architecte français Fernand Pouillon. Ce dernier avait quitté son pays natal l’année précédente pour s’installer en Algérie à la suite de déboires financiers et d’un séjour en prison qui l’avait incontestablement blessé. Le ministère algérien du Tourisme lui avait alors confié la tâche d’équiper en complexes hôteliers l’Algérie, nouvellement indépendante. Au cours d’une visite du Palais du peuple, à Alger, Fernand Pouillon tombe sur un panneau de céramiques. Pouillon demande à rencontrer cet artiste hors pair. Cet homme, c’était Mohamed Boumehdi, postier le jour et céramiste la nuit. Ses moments de liberté, il les consacrait à cette passion. On lui confiait souvent des travaux de restauration, qu’il accomplissait avec plaisir depuis qu’il avait été initié au métier par de vieux maîtres, juste après avoir quitté l’école avec un certificat de comptabilité en poche. La première rencontre entre Pouillon et Boumehdi a lieu à la villa des Arcades, une résidence du XVIe siècle, où l’architecte français a installé ses bureaux. Les jours suivants, la vie de Boumehdi bascule. Pouillon le persuade de démissionner de son emploi de postier et lui ouvre un local à Kouba. Pouillon et Boumehdi sont différents à tous points de vue mais l’art les rapproche. Très vite, une grande complicité va naître entre les deux hommes. Boumehdi devient l’ «habilleur» des œuvres architecturales de Pouillon. Ensemble, ils réalisent plusieurs sites hôteliers et touristiques : Moretti, Zeralda, Sidi Fredj (ex-Sidi Ferruch) ou encore Tipaza. C’est avec eux que l’ornementation renaît de ses cendres. L’Hôtel El-Djazaïr (ex-Saint-Georges) d’Alger constitue l’une de leurs plus belles réussites. Pouillon est chargé de la rénovation et de l’agrandissement de cet établissement construit à la fin du XIXe siècle sur l’emplacement d’un vieux palais hispano-mauresque. Il confie à Boumehdi la tâche d’en habiller les murs et les piliers. Le céramiste conçoit alors une profusion d’arabesques, de fleurs, d’oiseaux, de volières... Au fil des années, le travail de Boumehdi se diversifie. Aujourd’hui, il reste la plus grande référence de céramique algérienne. Hassina A.
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