Thursday, August 19, 2010
'Union européenne au sujet des Roms
Par Marie Simon,
Ce que dit l'Union européenne au sujet des Roms
Pressé par Bucarest de lancer un programme d'intégration des Roms, Bruxelles demande à Paris de "respecter les règles" européennes. Mais à l'échelle de l'Europe, la législation reste floue.
Les Roms, des citoyens européens...
La France "doit respecter les règles" concernant la protection des citoyens européens. Ce mercredi 18 août, la Commission européenne a rappelé le gouvernement français à l'ordre alors que Paris démantèle des camps et a commencé à expulser 700 Roms en situation irrégulière vers la Roumanie et la Bulgarie. Le Quai d'Orsay se défend: les mesures françaises sont "pleinement conformes aux règles européennes". De quelles "règles" parle-t-on exactement?
A vrai dire, aucune législation spécifique n'existe sur les Roms en Europe: leurs droits et devoirs sont régis par les textes européens sur la citoyenneté européenne, octroyée à tout résident d'un Etat-membre de l'Union européenne. Ce qui inclut les quelque 10 à 12 millions de Roms qui y vivent, selon les chiffres du Conseil de l'Europe.
Lors du point presse de la Commission européenne (à voir ici en vidéo), ce mercredi, le porte-parole Matthew Newman a évoqué un texte en particulier: la directive 2004/38/EC, qui établit le droit pour les citoyens de l'Union européenne et pour les membres de leur famille de circuler et de résider librement à l'intérieur des frontières des Etats-membres. En l'occurrence, la Roumanie et la Bulgarie ne font pas encore partie de l'espace Schengen (entrée prévue en 2011), mais elles sont bien des Etats-membres de l'Union européenne, et ce depuis janvier 2007.
C'est ce même texte, transposé en 2004 dans le droit français, que brandit Bernard Valero, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères français, pour renvoyer Bruxelles dans les cordes: "Les mesures décidées par les autorités françaises en vue de démanteler ces camps sont pleinement conformes aux règles européennes et ne portent en rien atteinte à la liberté de circulation des citoyens de l'UE. (...) Elles visent à lutter contre le dévoiement de cette liberté, dont l'exercice est régi par la directive 2004/38/CE qui prévoit expressément des restrictions au droit de libre circulation pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique."
... soumis à des restrictions particulières
De quelles restrictions s'agit-il? Celles qui s'appliquent à tous les citoyens européens. Auxquelles s'ajoutent un cas particulier: d'après les textes européens, "pendant une période transitoire de sept années maximum après l'adhésion" d'un nouveau pays, ses ressortissants "peuvent rencontrer des restrictions temporaires pour travailler dans un autre pays". Les Roms que la France expulse sont de nationalité roumaine ou bulgare, donc concernés par ce régime transitoire.
Concrètement, Roumains et Bulgares peuvent entrer en France sans formalité particulière et y rester trois mois sans avoir à justifier d'une activité. Seuls documents nécessaires: un passeport ou une carte d'identité en cours de validité. Au-delà des trois mois de séjour, ils doivent avoir un emploi, suivre des études ou justifier de ressources suffisantes, et avoir une assurance-maladie. Pour exercer une activité professionnelle, ils doivent détenir un titre de séjour et une autorisation de travail. Le type d'emplois qu'ils peuvent occuper est limité à 150 métiers connaissant des difficultés de recrutement.
S'ils n'ont pas les documents requis, ils risquent d'être expulsés, via une "obligation de quitter le territoire français", qui leur donne un mois pour partir à compter de sa notification, ou un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière. Ils peuvent aussi être expulsés avant trois mois en cas de trouble à l'ordre public ou "charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale". Et bénéficier de "l'aide au retour humanitaire", d'un montant de 300 euros par adulte et 100 euros par enfant.
Pour la Commission européenne, tant que les expulsions sont décidées "au cas par cas" et de façon "proportionnée", "nous ne pouvons pas aller plus loin..."
Que fait l'Union européenne pour l'intégration des Roms?
L'Europe ne s'est-elle pas déjà emparée de ce sujet sensible? Pas vraiment, ou en tout cas pas efficacement, si l'on en croit le président roumain Traian Basescu qui en appelle ce jeudi à Bruxelles pour le lancement d'un véritable "programme d'intégration au niveau européen des citoyens d'ethnie rom". Une demande déjà formulée par la Roumanie depuis 2008...
Il y a deux ans, dans un communiqué de presse, le Conseil de l'Union invitait la Commission européenne et les Etats-membres de l'UE "à identifier des actions concrètes pour 2009 et 2010". La Commission européenne était priée de "remettre un rapport sur les progrès réalisés avant la fin du premier semestre 2010". Quant aux Etats-membres, "échanger leurs bonnes pratiques" était recommandé par Bruxelles... Le Conseil de l'Union se félicitait aussi de "l'organisation le 16 septembre 2008 du premier Sommet Européen relatif aux Roms".
A l'issue de ce sommet, la Plate-forme européenne pour l'insertion des Roms voyait le jour. Dans les conclusions de sa troisième réunion, en juin dernier, elle dressait une liste des thèmes à clarifier tout en admettant qu'elle n'aura "sans doute pas la capacité de tous les traiter". Parmi ceux-ci, la question essentielle des "migrations des Roms", population historiquement non-sédentaire, et de leurs "retours forcés", était reléguée au chapitre "autres sujets".
Fin 2008, 10 principes de base communs pour l'inclusion des Roms étaient également édictés (lire l'encadré). Ces "déclarations donnent un cadre général aux institutions européennes, aux pays membres et candidats afin d'orienter leurs politiques en la matière. Mais elles ne sont pas contraignantes sur le plan légal", précise Waltraud Heller, porte-parole de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne. "En revanche, si un Etat-membre utilise des Fonds structurels pour mettre en place une politique qui va à l'encontre de ces principes, n'importe qui peut alerter la Commission européenne et cela ne sera pas sans conséquence. Le poids politique de ces principes n'est donc pas négligeable".
Au-delà de ces diverses déclarations, quels moyens concrets ont été mis en oeuvre? La Commission évoque une enveloppe de 17,5 milliards d'euros sur 2007-2013 utilisée par douze Etats-membres pour promouvoir inclusion des Roms. Ces douze Etats-membres font partie du réseau EURoma, dont la mission est de répartir efficacement ces Fonds structurels européens. La Roumanie et la Bulgarie font partie de ce cercle restreint, naturellement. L'Italie, la Suède et l'Espagne aussi. Pas la France.
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