Friday, August 06, 2010
Nos côtes sont exposées au risque: L’Algérie est-elle préparée face à une marée noire ?
Il faut savoir qu’à partir des ports algériens (et tunisiens), plus de 50 millions de tonnes de pétrole et de produits pétroliers sont exportés chaque année et que 20% du trafic pétrolier mondial est effectué en Méditerranée.
Comment réagir en cas d’une marée noire sur les côtes algériennes ? Une question d’actualité qui s’impose d’elle-même devant les dégâts des catastrophes écologiques que subissent plusieurs pays. En quelques mois, deux grandes marées ont touché les deux plus grandes puissances mondiales. Malgré leurs capacités, ni les États-Unis ni la Chine n’ont pu éviter les énormes dégâts de ces catastrophes écologiques sur leurs côtes.
Pis, les autorités des deux pays donnent l’impression d’être désarmées. Que ce soit la marée noire du golfe du Mexique ou celle, plus récente, provoquée par l’explosion, le 16 juillet dernier, d’un oléoduc à Dalian, ville portuaire du nord-est de la Chine, les retombées sont incalculables. Des dizaines de millions de litres de pétrole se sont déjà déversés sur les côtes américaines, alors qu’environ 1,5 million de litres souillent les plages au bord de la mer Jaune.
En Algérie, tout indique que rien n’est fait pour éviter une quelconque catastrophe écologique. Pourtant, les risques sont énormes. Il faut savoir qu’à partir des ports algériens (et tunisiens), plus de 50 millions de tonnes de pétrole et de produits pétroliers sont exportés chaque année. Mieux encore, 2 000 navires par jour se croisent en Méditerranée et 20% du trafic pétrolier mondial y est effectué.
Malgré cet état des lieux, la situation ne semble pas inquiéter les pouvoirs publics algériens. Mieux encore, toute initiative est bloquée. L’une d’elles est celle émanant d’une ONG de droit suisse, l’Association mondiale des avocats pour la protection de l’environnement.
Présidée par un Algérien, maître Habib Zerhouni, elle attend, depuis cinq ans, une autorisation pour l’organisation d’une conférence internationale des avocats sur le développement durable, pollution des mers et lutte contre la désertification. Une rencontre qui devait réunir, entre autres, des avocats spécialisés en droit maritime, droit de l’environnement, droit des assurances, Cependant, le projet fut mort-né. Il a été tout simplement bloqué. Les péripéties subies par les organisateurs depuis juin 2004 sont même des plus étonnantes.
Un colloque bloqué et des questionnements
Au début, lorsque l’idée a été proposée par le président de l’ONG, Me Zerhouni, appuyé par son SG, le Suisse Christian Nils Robert, aux autorités algériennes, tout semblait aller vers la “concrétisation”. Le duo était en plus appuyé dans son initiative par l’Union nationale des barreaux d’Algérie et la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme, que préside Ksentini.
“J’étais très enthousiaste à l’idée d’organiser cette conférence, et au fil de mes contacts, j’étais de plus en plus confiant”, affirma, au début de cette semaine, Me Zerhouni à Liberté, avant d’ajouter : “J’étais en plus très rassuré après avoir rencontré le chef du gouvernement lui-même, M. Ahmed Ouyahia, qui avait très favorablement accueilli cette initiative.”
Après l’accord du SG du RND, le président de l’ONG engage avec plusieurs structures étatiques le processus de montage de ce qui devait être un important événement international. Documents à l’appui, il présente les accords qu’il avait obtenus de plusieurs “personnalités influentes”. Le 18 mai 2004, Ahmed Bedjaoui, à l’époque président du Conseil constitutionnel (il deviendra une année après ministre des Affaires étrangères), envoyait un courrier à l’avocat pour lui témoigner de son soutien tout en précisant que “le thème retenu par votre association est d’une actualité brûlante.
Il invite à une réflexion sérieuse sur les risques de dépérissement de notre planète si des mesures urgentes ne sont pas prises pour arrêter et inverser les processus divers de dégradation et pour protéger notre environnement des effets dévastateurs qui sont le plus souvent le fait de l’homme”.
Moins d’un mois après, soit le 10 juin, le défunt ministre des Transports, Mohamed Maghlaoui, transmettait un courrier à Me Zerhouni dans lequel il acceptait sa désignation en tant que membre du comité d’organisation du colloque. Il (le ministre) fera de même avec Christian Nils Robert, dans une lettre datée également du 10 juin, à qui il écrira : “Je joins mes efforts aux vôtres pour que la planète bleue, immensément riche en ressources naturelles, soit transmise aux générations futures sans hypothéquer leur avenir.” Le ministère des Transports s’est même attelé à faire des démarches concrètes en vue de l’événement.
Ainsi, le chef de cabinet du ministre, Noureddine T., envoyait, de son côté, deux lettres identiques au directeur de l’Institut supérieur maritime de Bou-Smaïl et aux P-DG de l’entreprise portuaire de Ghazaouet, dans lesquelles il leur demandait de “prêter concours et aide au président de cette association, Me Habib Zerhouni, pour l’accomplissement de sa noble tâche”.
Le 13 juin, le DG des Douanes de l’époque, Sid-Ali Lebib, écrivait à l’avocat pour lui signifier sa disponibilité et son soutien tout en lui indiquant qu’il avait chargé son directeur de la communication et des relations publiques de “nous représenter et de vous apporter la contribution de mon administration dans la réalisation de votre projet”.
Me Zerhouni mentionne également qu’il avait “glané” d’autres appuis. “Il y avait aussi deux autres ministres, ceux de l’Environnement et de la Pêche, qui avaient adhéré à la démarche soutenue par M. le chef du gouvernement mais, malgré cela, rien n’a pu se faire.” Une réalité qu’il n’arrive toujours pas à comprendre ni à digérer. “C’est inadmissible qu’avec toutes ces personnalités derrière, moi, je n’ai pu organiser ce colloque.
Et c’est surtout la preuve que même le chef de gouvernement avait les mains liées sur certains dossiers.” Il admettra, sans trop s’étaler sur le sujet, que “le problème est venu sans aucun doute des instances du ministère de l’Intérieur qui ont tout fait pour capoter le colloque pour des considérations qui sont sans doute personnelles”. Se voulant plus explicite, l’avocat affirma que le problème, c’était… lui. “C’est sûrement à cause de mes positions politiques, surtout lors des évènements de la Kabylie.”
Le droit maritime en question
Toutefois, au-delà des considérations extralégales, c’est avant tout l’Algérie qui avait perdu dans cette histoire. Un colloque avec cette importance aurait pu faire gagner un énorme temps pour la concrétisation de mécanismes juridiques précis, surtout concernant le droit maritime.
Un secteur d’une importance primordiale mais dont la gérance ne semble pas du tout être une priorité pour les responsables du pays. Les exemples ne manquent pas. Le plus significatif était le procès des cadres de la Cnan qui défraye la chronique depuis plusieurs années. L’échouage des deux bateaux, Béchar et Batna, survenu en novembre 2004, avait déclenché d’énormes procédures judiciaires. Le procès, qui s’était déroulé en mai 2006, avait surtout démontré le grand déficit en droit maritime, des avocats et des magistrats. Suivies par tous les médias nationaux et étrangers, les controverses suscitées au tribunal criminel d’Alger étaient carrément “hors sujet”, sans oublier que le flou entretenu avait engendré un verdict des plus surprenants.
Les cinq cadres de la Cnan, qu’experts et novices du droit maritime estiment innocents, ont été condamnés à quinze ans de prison ferme. Une erreur (le mot est trop faible) qui hante toujours la justice algérienne. Même le procès en appel tarde à être “placé” dans l’agenda des sessions judiciaires. Certains expliquent cet état de fait par le désarroi dans lequel se retrouvent ceux qui avaient choisi les cadres de la Cnan comme boucs émissaires.
Ainsi, l’Algérie a perdu cinq ans sans que rien, ou presque, soit fait. L’unique nouveauté à signaler est l’adoption par le Parlement, le 21 juillet dernier, d’une loi touchant… “la clarification de la définition de la saisie conservatoire des navires”. Une action qui ne peut être qu’une goutte d’eau dans le vide “océanique” dans lequel nage l’appareil judiciaire algérien.
Reste maintenant la réalité du terrain. Une, ou plusieurs, marées noires ne sont pas impossibles sur les côtes algériennes et les responsables du pays doivent impérativement ouvrir les yeux sur cette équation à plusieurs inconnus. Gérer c’est, avant tout, prévoir.
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