Laureline Dupont - Marianne
Alors que Laurent Wauquiez vient d'annoncer l'organisation d'«Assises des centres d'appels» afin de lutter contre la délocalisation outre-Méditerranée de ces plateformes téléphoniques, SFR persiste et signe en annonçant l'implantation d'un nouveau centre d'appel en Algérie
Le 12 juillet, Laurent Wauquiez semblait bien décidé à partir en guerre contre les délocalisations des centres d'appels. Si le secrétaire d'Etat à l'Emploi ne prévoyait pas de grand chambardement, il annonçait au moins la tenue d'« Assises des centres d'appels », une décision saluée par les syndicats des télécoms qui réclament depuis un an l'impossibilité pour les concessions publiques de délocaliser. Mais voilà que l'opérateur de téléphonie mobile SFR vient de jeter de l'huile sur le feu. Selon un communiqué de la CFE-CGC et de l'UNSA télécoms, SFR s'apprêterait à implanter un nouveau centre d'appels en Algérie. Un projet qui a fait bondir les syndicats, ces derniers considérant la décision de l'opérateur comme une « véritable provocation ». Explications d'une délocalisation annoncée.Comme bon nombre de grandes entreprises, SFR a choisi de confier à une entreprise spécialisée le traitement de ses plateformes d'appels. Il existe des centaines d'entreprises de ce genre en France. Teleperformance, Arvato, Webhelp constituent les principaux acteurs de ce marché florissant. Webhelp, « opérateur international de centre d'appels » essentiellement implanté au Maroc, a en charge l'externalisation des services clients d'SFR, de La Redoute, des Pages jaunes et bien d'autres.
Sur son site, Webhelp a tout prévu, pour convaincre les plus sceptiques, un onglet « Pourquoi externaliser son centre d'appels ? » présente les nombreux avantages de l'externalisation. Le vocabulaire est soigneusement choisi, il n'y est jamais question de délocalisation mais toujours d'« externalisation », un terme qui renvoie à un concept plus positif, celui de l'entreprise qui fait appel à un sous-traitant pour gérer ses plateformes téléphoniques. Un terme plus technique aussi et donc plus flou qui a le mérite d'englober l'idée de délocalisation sans avoir à la nommer. Webhelp préfère parler d'« externalisation offshore ».
Pour séduire ses clients, le site assure par exemple que de nombreux reportages ou articles ont « attiré l'attention des directions générales sur les bénéfices induits que l'on peut classer en trois catégories ». Après la baisse des coûts pour l'entreprise, Webhelp vante la « flexibilité accrue en raison de la souplesse de la législation ». Comme ça c'est clair, inutile de s'embarrasser à sauver de l'emploi en France puisque la loi permet de délocaliser à tout bout de champ en toute impunité. Laurent Wauquiez a du pain sur la planche, pas sûr que ses « Assises » suffisent à refroidir des entreprises passées maître dans l'art de la délocalisation.
Enfin le site célèbre « la qualité identique et parfois supérieure grâce à des téléconseillers maîtrisant le français sans accent, recrutés sur des profils académiques (bac +3/bac +4 en moyenne) ». Difficile de dire quel reportage les dirigeants de Webhep ont regardé mais certainement pas les mêmes que le téléspectateur lambda. Les reportages les plus courants, pourtant diffusés en clair sur des chaînes publiques ET privées à des horaires décents, ont tous tendance à dépeindre les situations ubuesques de ces centres d'appels. Les téléopérateurs marocains et autres, surqualifiés pour le poste et sous payés, se retrouvent dans l'obligation de changer de nom pour ne pas dévoiler le lieu de l'appel. Webhelp ne ment pas : la qualité est au rendez-vous pour l'entreprise et ses clients mais à quel prix pour les salariés ? Avec une économie pour l'opérateur évaluée à 300 millions par les syndicats de télécoms, difficile de résister à l'appel de l'étranger. Pour l'instant, le directeur de la communication de SFR, Nicolas Chatain, a déclaré à l'AFP qu'« il n'y avait aucun projet en Algérie au titre de SFR ». Du côté de Webhelp, on se montre moins catégorique : « Il n'y a qu'un projet d'ouverture en Algérie ». Webhelp compterait à ce jour 3656 collaborateurs au Maroc contre seulement 590 en France. Que le centre d'appel d'SFR soit construit en Algérie ou non, ne représente finalement qu'une infime partie du problème. Si Laurent Wauquiez veut en finir avec la délocalisation des centres d'appels, il devra d'abord partie en guerre contre toutes ces entreprises spécialisées dans l'externalisation des centres d'appels, aux chiffres d'affaires annuels exorbitants. Webhelp est arrivée 42e en 2009 au classement « Deloitte Technology Fast 50 » pour sa croissance de 675 % sur cinq ans. Avec une telle croissance, ces entreprises ne laisseront pas les Assises des centres d'appels malmener leur business prospère.
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