Monday, January 24, 2011
l’Europe et le Maghreb 2011
Voir en ligne : http://www.institut-thomas-more.org...
Pour une sécurité durable au Maghreb : une chance pour la région, un engagement pour l’Union Européenne
lundi 24 janvier 2011, par Institut Thomas More - Comité belgique
Alors que la Tunisie connaît des bouleversements politiques majeurs, l'Institut Thomas More rappelle qu'il a publié au printemps 2010 un rapport spécial contenant de nombreuses propositions pour favoriser le développement et l'épanouissement des sociétés maghrébines...
Les relations entre l’Europe et le Maghreb, complexes, multidimensionnelles et parfois passionnées, sont riches d’une histoire et d’intérêts communs. Unis face à certains défis partagés (développement économique, stabilité régionale, lutte contre le terrorisme, migrations, développement durable), les deux rives de la Méditerranée sont invitées à repenser les bases de leur coopération. À travers les mutations qui touchent les sociétés maghrébines, les enjeux de sécurité et les opportunités de l'intégration régionale et de la coopération euromaghrébine, l'objectif doit être l'émergence d'une sécurité durable profitable aussi bien à l'Union européenne (UE) et à ses membres qu'aux pays du Maghreb et à leurs populations.
Sous le quadruple effet du développement économique mondialisé, de populations majoritairement jeunes, de phénomènes migratoires englobant toute la zone maghrébo-sahélienne, ainsi que du mouvement encore timide de réformes politiques et sociales, les sociétés maghrébines sont aujourd'hui en pleine mutation. Ce processus globalement positif prend des formes différentes dans chacun des cinq pays de la région : Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie et Libye. Il est néanmoins fragile et doit faire l'objet de la plus grande attention de la part des autorités politiques, pour ne pas risquer d’exaspérer des populations qui aspirent légitimement à un avenir plus sûr.
L'UE, consciente de ces enjeux, devrait chercher les voies d'un engagement plus proactif dans la région, notamment sur les questions sensibles des droits de l'homme et de la maîtrise des flux migratoires. Si elle encourage déjà les pays maghrébins à promouvoir la démocratie comme facteur de stabilité et de développement, elle pourrait s'investir davantage dans le dialogue intramaghrébin en matière de droits de l'homme et de libertés civiles – en favorisant par exemple la mise en place de lieux de réflexion et d’échanges entre les élites maghrébines. L'enjeu migratoire, élargi à la zone sahélienne, constitue également un champ de coopération à approfondir, la politique de maîtrise des flux de l'UE ne pouvant plus se jouer uniquement à la frontière nord du Maghreb. Le renforcement dans l'ensemble de la zone du rôle de l'agence européenne FRONTEX, incluant l’ouverture de bureaux régionaux et la délégation de moyens propres, est une piste. L'intensification des efforts de coordination des politiques d'aide au développement en direction des pays d’Afrique subsaharienne sources d'immigration, entre l'UE et les États maghrébins en est une autre à ne pas négliger.
La sécurité au Maghreb mérite, elle aussi, une nouvelle approche et une vision élargie. Ses plus récentes évolutions (mutations du terrorisme, développement de la criminalité, enlisement des tensions interétatiques) invitent tous les acteurs – locaux, régionaux et globaux – à appréhender ces problématiques et leurs mutations dans leur globalité et au travers de leurs interactions.
L'UE, du fait de sa proximité géographique et des liens qui l'unissent au Maghreb, doit se sentir tout particulièrement impliquée par ces enjeux. Si les coopérations existent déjà en matière de lutte contre le terrorisme et contre les nouvelles formes de criminalité émergentes, il convient de travailler sans relâche à les renforcer et d’y intégrer désormais la dimension maghrébo-sahélienne élargie. Mais si la poursuite de la lutte contre les activités criminelles doit être intraitable, l'objectif d’un développement et d’une sécurité durables impose de s’attaquer en parallèle aux causes du problème : les profondes difficultés socio-économiques et le chômage dont souffrent les populations, et qui privent la jeunesse de véritables perspectives. Ce n'est qu'en donnant un espoir de réussite sociale aux jeunes que l'on tarira à terme les filières de recrutement tant des réseaux criminels que des groupes terroristes.
Les enjeux de sécurité appellent également le renforcement constant de la coopération régionale, que l'UE se doit d’appuyer et soutenir. Chacun connaît les freins que constituent certaines tensions interétatiques au développement de cette coopération pourtant indispensable.
Au premier rang de ces blocages se situe le conflit du Sahara occidental : vieux de trente ans, son coût pour les populations, les pays concernés et l'ensemble de la région devrait convaincre les acteurs de rechercher enfin une solution politique concertée au conflit. La proposition d’autonomie présentée par le Maroc en 2007 parait aujourd’hui à la majorité des observateurs comme la seule option crédible de sortie de crise et constitue, à la condition de rester à l’écoute de tous les acteurs, la base de discussion la plus réaliste pour la poursuite et l'approfondissement des négociations en cours sous l'égide de l'ONU. La question plus globale de la fermeture des frontières entre l’Algérie et le Maroc, principal facteur de blocage du développement de la région depuis plusieurs décennies, doit également être posée et pourrait faire l'objet d'une attention toute particulière de l'UE dans le cadre d'une politique de promotion d'une intégration régionale enfin ambitieuse.
Car le défaut de coopération intramaghrébine et d'intégration régionale, qui conduit à la situation de « non-Maghreb » observée aujourd'hui, constitue l'une des principales faiblesses de la zone. Si les domaines de coopération (énergie, transports, développement durable) sont connus et riches de potentialités, force est de constater que le chemin vers l'intégration sera encore long. Celle-ci constitue pourtant, sinon un préalable, du moins une condition essentielle de la « sécurité durable » des cinq pays concernés mais aussi de l'UE, car elle constitue la seule garantie de la maîtrise des espaces clés de l’Afrique du Nord.
C'est pourquoi les Européens doivent promouvoir et accompagner ce mouvement, notamment en incitant les pays maghrébins à réaliser enfin les efforts nécessaires à la création de la zone de libre-échange en discussion depuis quinze ans, tout en approfondissant la coopération euromaghrébine. Pour ce faire, il conviendrait notamment de réinsérer de manière plus ambitieuse ces objectifs dans l’agenda politique de l’UE et de voir si une logique sous-régionale centrée sur le Maghreb, ne serait pas opportune dans le traitement des dossiers énergétiques, transports ou de développement durable promus dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée (UpM), en cours de mise en place.
Car l’Europe est attendue au Maghreb. Elle dispose d’une force de proposition, d’une légitimité et d’un intérêt particulier à s’y investir. C’est la sécurité durable du Maghreb qui en dépend, et donc pour une large part celle de l’UE.
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