Friday, October 08, 2010
"Nya", nourri de "Boléro" et de musique algérienne
'un côté, l'Europe ; de l'autre, l'Algérie. A la main droite, la musique du Boléro de Ravel ; à la gauche, des chansons d'Houria Aïchi, magnifique courroie de transmission des traditions musicales de l'Algérie. Le trait d'union est le chorégraphe Abou Lagraa, auteur de Nya ("faire confiance à la vie", en arabe), pièce composée de deux volets musicaux dansés par dix interprètes hip-hop algériens.A la sortie du spectacle, créé à la Biennale de Lyon (26 septembre au 2 octobre), les deux parties semblaient se refermer comme un livre, emboîtant deux images différentes et pourtant intimement semblables pour composer un portrait de génération. Leur tournée lancée, les voilà qui débarquent en région parisienne.
Le plateau est vide. Carrés de lumière gris perle en fond de scène et joggings pour le Boléro ; tapis bleu turquoise accroché comme une tapisserie et costards noirs sans manches surlignés de bleu pour le versant chanté. La sobriété des moyens, méticuleusement choisis - rien que les bras nus des danseurs, tous des hommes, discrète touche orientale donnée au costume occidental -, ramasse l'enjeu de cette pièce-passerelle entre deux mondes.
GRÂCE ET RUGOSITÉ
Sur le Boléro, Abou Lagraa a conçu une partition rythmique et visuelle tout en éclats et contrepoints. Lignes parallèles et diagonales surgissent des coulisses pour se transformer en petits cercles sur le devant du plateau. Les corps semblent insérés comme des virgules hip-hop dans la masse orchestrale de la partition de Ravel. Plus simplement, dans la seconde partie, la voix somptueuse d'Houria Aïchi donne du volume aux mouvements qui trouvent des accents calligraphiques et gymniques subtils.
Dans les deux cas, au contact de l'écriture contemporaine spiralée d'Abou Lagraa, la gestuelle hip-hop prend une intensité inconnue. Du vocabulaire et de la syntaxe (ondulations, tours sur la tête...) surgit une autre langue à laquelle les pirouettes, les volutes, donnent une ampleur, un swing, qui emportent tout le corps : bras au ciel volubiles, jambes toujours dans la course, chutes fluides...
Cette mise en beauté masculine hybride la grâce et la rugosité, le savant et le populaire avec une sorte de vécu au présent. Des accolades entre les danseurs semblent saisies au coin d'une rue.
Ce concentré tendre et offensif raconte aussi l'évolution de ces dix danseurs, tous autodidactes, travaillant dans la rue pour la plupart et éduqués à la danse par Internet. Sélectionnés sur quatre cents candidats en janvier 2009, ils appartiennent désormais à la Cellule contemporaine du Ballet national d'Alger, créée par Abou Lagraa, et bénéficient aujourd'hui non seulement d'une formation (classique, contemporaine..), mais aussi d'un salaire. Entre le Boléro et le patrimoine musical algérien, une identité s'invente, dont Nya se fait l'ambassadeur.
--------------------------------------------------------------------------------
Nya, d'Abou Lagraa. Théâtre Les Gémeaux, 49, avenue Georges-Clemenceau, Sceaux (Hauts-de-Seine). Du 8 au 10 octobre, à 20 h 30. Tél. : 01-46-61-36-67. De 5 à 25 euros.Rosita Boisseau
Libellés :
"Nya",
nourri de "Boléro" et de musique algérienne
Subscribe to:
Post Comments (Atom)
No comments:
Post a Comment