Saturday, August 21, 2010
Quel est le bilan réel de l’économie algérienne en 2010 ?
Evaluation
Face aux données officielles sur la situation de l’économie algérienne annoncées lors de la séance de l’audience accordée par le président de la République au ministre des Finances le 15 août 2010, reproduite par l’APS le 16 août 2010, l’objet de cette contribution est de se poser la question suivante : quel est le bilan réel de l’économie algérienne, un chiffre devant être interprété dans son véritable contexte, surtout avec l’effritement du système d’information en Algérie, les déclarations de responsables au plus haut niveau se contredisant en termes de tests de cohérence, et ce afin d’éviter des interprétations biaisées qui peuvent conduire à des politiques socioéconomiques erronées et la nation à des pertes de plusieurs milliards de dollars ?
Cette audience du président de la République entre dans le cadre du plan quinquennal 2010-2014, estimé à 286 milliards de dollars, mais dont 130 sont des restes à réaliser, le plan 2004-2009 reflétant d’importantes réévaluations et150 milliards de dollars pour les nouveaux projets. Cela explique la décision de lutter contre les surcoûts et d’établir un bilan budgétaire annuel, la modification et le complément du décret exécutif n° 98-227 du 13 juillet 1998 relatif aux dépenses d’équipement de l’Etat. Ce décret vise une discipline dans la conduite des projets ou programmes et une responsabilisation plus grande de l’ensemble des intervenants dans le circuit de la dépense publique en introduisant la notion de programme pluriannuel qui constituerait une passerelle fonctionnelle vers la nouvelle approche budgétaire afin de suivre et d’évaluer l’action de l’administration publique. Certes, les différentes mesures inscrites dans les lois de finances complémentaires 2009 et 2010 ont, certes, stabilisé la valeur des importations mais ne les ont pas réduite substantiellement car ce gonflement est due essentiellement à la dépense publique et il est à prévoir le même montant en 2010 à moins que l’on freine la dépense publique mais au risque d’une implosion sociale. Comme la mesure du passage sans transition du remdoc au credoc risque de paralyser bon nombre d’entreprises privées et publiques du fait que son opérationnalité suppose une réforme profonde du système financier relié aux réseaux internationaux et que de nombreux dossiers stagnent au niveau des banques, ce que voile cette baisse, d’ailleurs très faible. Il faut éviter des utopies, l’Algérie étant une économie essentiellement rentière et que sur les 9, 3 % de croissance hors hydrocarbures, l’on peut démontrer aisément que 80% le sont directement et indirectement par la dépense publique via les hydrocarbures restant aux seuls entreprises créatrices de richesses vivant sur l’autofinancement moins de 20% comme le montre clairement moins de 3% d’exportation hors hydrocarbures. Il en est de même du niveau des réserves de change, de la baisse tant de la dette extérieure que de la dette publique intérieure épongée par les recettes des hydrocarbures sans s’attaquer à l’essence de ce gonflement qui est la mauvaise gestion.
Pour le cas de l’agriculture évoqué par le ministre des Finances se pose cette question stratégique : quelle est la part dans la création de la valeur ajoutée d’une bonne pluviosité et quelle est la part, cela étant essentiel à un bon management stratégique et cette situation positive est-elle conjoncturelle ou structurelle et quel a été le bilan du programme national du développement de l’agriculture (PNDA) qui a englouti des dizaines de milliards de dinars ? Car l’Algérie est caractérisée par une faible productivité globale et continue d’importer la majorité de ses biens essentiels. Quant au taux d’inflation officiel — ce taux est-il réaliste ?, il y a lieu de noter une nette accélération passant de 3 % en 2007 à 4,5 % en 2008 et à près de 5,8 % en 2009 allant vers la même tendance en 2010, une inflation qui a un impact négatif sur le niveau du pouvoir d’achat de la majorité des citoyens, jouant comme vecteur de concentration du revenu national au profit d’une fraction minime de revenus variables, tensions sociales atténuée tant par la cellule familiale, la sphère informelle, par des transferts sociaux (somme faramineuse de 10 % du PIB mais mal ciblés et mal gérés) et des emplois fictifs pour une paix sociale transitoire. Cela explique le taux de chômage officiel artificiel autant que celui du taux de croissance alors que l’important est la création d ‘emplois utiles créateur de valeur ajoutée.
Un effet mitigé de la dépense publique
D’où l’effet mitigé de la dépense publique et les réévaluations permanentes qui sont sans être exhaustif les suivantes : l’existence d’un décalage entre la planification budgétaire et les priorités sectorielles, l’absence d’interventions efficaces dues à un morcellement du budget résultant de la séparation entre le budget d’investissement et le budget de fonctionnement, des passifs éventuels potentiellement importants, des écarts considérables entre les budgets d’investissement approuvés et les budgets exécutés, des longs retards et des surcoûts pendant l’exécution des projets, ce qui témoigne de la faiblesse de la capacité d’exécution des organismes d’exécution, une performance particulièrement mauvaise à toutes les différentes étapes de la formulation, de l’exécution du budget, de l’établissement de rapports et de la passation des marchés, une augmentation des importations, plus particulièrement celles liées aux projets dans les secteurs du transport et des travaux publics, plus rapidement que les exportations, -de nombreuses décisions de projet ne sont pas fondées sur des analyses socioéconomiques. Ni les ministères d’exécution, ni celui des Finances n’ont suffisamment de capacités techniques pour superviser la qualité de ces études, se bornant au contrôle financier effectué par le ministère des Finances, le suivi technique (ou physique) exercé par les entités d’exécution étant inconnu ou au mieux insuffisant, les résultats des projets et programmes ne font pas l’objet d’un suivi régulier. Il n’existe aucune évaluation a posteriori permettant de comparer ce qui était prévu avec ce qui a été réalisé et encore moins de comparer le coût-avantage ou l’efficacité avec la situation réelle.
Ce qui fait que le non-respect des normes minimales dans l’analyse du ratio coûts-avantages, rentabilité sociale et profils des projets a de graves conséquences en termes de ressources gaspillées, de duplication des activités et de problèmes de passations de marchés. Pour la formulation, l’Algérie utilise un système de classification obsolète avec la lourdeur des procédures lourdes qui empêchent la clôture rapide de la période de fin d’exercice pour l’arrêt du budget du fait que le système de gestion budgétaire du pays est inadapté et a besoin d’être considérablement revu, dont de nombreuses faiblesses trouvent leur origine dans l’urgence qui accompagne la préparation des projets, notamment la myriade de demandes spécifiques auxquelles les projets sont supposés répondre et le chevauchement des responsabilités entre les diverses autorités et parties prenantes (25 commissions ministérielles et 48 commissions de wilaya dans le cas du PSRE).
Dès lors, nous aurons des impacts de l’inefficacité de la dépense publique :
- sur le volume des importations car le gonflement est dû essentiellement à la dépense publique
- sur le processus inflationniste qui est à l’origine pour partie de l’inflation et très accessoirement les salaires qui représentent moins de 18 % rapportés au produit intérieur brut en 2009, assistant à une baisse croissante par rapport aux années passées au profit des rentes et des indépendants
- sur la balance des paiements notamment à travers le poste services (10/11 milliards à la fin de 2009 de dollars appel aux compétences étrangères avec paradoxalement fuite de cerveaux algériens) qui a plus que doublé entre 2007 et 2010 et comme finalité sur le faible taux de croissance réel global et sectoriel.
Un exemple de la non-maîtrise du projet : la gestion de la route est-ouest
Prenons l’exemple de l’autoroute est-ouest, dont les anomalies touchent presque tous les secteurs dont le descriptif technique est le suivant : linéaire : 1.216 km, profil en travers : 2 x 3 voies, vitesse de base : 100 à 120 km/h, nombre d'échangeurs : 60 environ (avec option de péage), - 24 wilayas desservies, équipements : aires de repos, stations-service, relais routiers et centres d'entretien et d'exploitation de l'autoroute. L’autoroute est-ouest ne modifiera pas le paysage routier national puisqu’elle va pour l’essentiel suivre le tracé des nationales 4 et 5, qui rallient Alger à Oran et Alger à Constantine. En revanche, elle risque de bouleverser la vie économique des 19 wilayas directement traversées et des 24 desservies.
(A suivre)
Abderrahmane Mebtoul
21-08-2010
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