Amériques
USA: la réforme de la santé votée après un siècle d'espoirs déçus
AP 22.03.2010 17:41
La réforme de la couverture maladie adoptée par la chambre des représentants dimanche marque un succès historique pour Barack Obama après un an de débats enflammés, des décennies d'échecs et un siècle d'espoirs déçus sur le dossier de l'assurance-maladie aux Etats-Unis.
Le plan de Barack Obama devrait rester comme l'une des mesures les plus importantes jamais adoptées sur le plan intérieur, à l'instar du régime public des retraites (Social Security) et des programmes publics d'assurance santé pour les personnes âgées et les pauvres (Medicare et Medicaid).
Barack Obama a désormais en commun avec son lointain prédécesseur Lyndon Johnson le fait d'être l'un des deux seuls présidents à avoir réussi à faire passer une loi fondatrice sur la santé. Pour "LBJ", c'était le Medicare en 1966.
Lors de la promulgation du Medicare à Independance, dans le Missouri, Johnson avait signé le texte en présence du tout premier Américain à s'inscrire au programme: l'ancien président Harry Truman, qui avait vu la fin de la Seconde Guerre mondiale mais n'avait pas réussi à instaurer une couverture santé nationale.
"Des soins pour les malades, de la sérénité pour ceux qui ont peur", avait déclaré Johnson ce jour-là. "Dans cette ville et dans un millier de villes comme celle-ci, il y a des hommes et des femmes dans la souffrance qui vont maintenant trouver le soulagement."
Des freins culturels expliquent que la réforme voulue par Barack Obama ait été si difficile à faire passer. Les Américains ont en effet tendance historiquement à ne compter que sur eux-mêmes et à se méfier d'un Etat fort dont ils craignent les intrusions dans leur vie.
En 1854, le président Franklin Pierce avait mis son veto à une loi sur la santé mentale, arguant que l'Etat n'avait pas à s'occuper de la santé, un domaine qu'ils considérait comme purement privé. En 1929, l'Association américaine de médecine dénonçait des propositions de services médicaux organisés comme une "incitation à la révolution" entre les mains de "soviets médicaux"...
Cette réticence à l'intervention de l'Etat explique l'échec à réformer le système de santé au fil des décennies. Les présidents Teddy Roosevelt et Franklin Roosevelt n'ont pas été en mesure de la réaliser, même s'ils ont marqué par ailleurs l'histoire du pays.
Pourtant les choses ont évolué vers une plus grande prise en charge de l'Etat. En 1930, près de 80% des frais de santé étaient assumés par les seuls patients. Aujourd'hui, les autorités fédérales et locales couvrent la moitié de ces dépenses. Ce rôle croissant des pouvoirs publics montre que l'individualisme n'est pas la seule valeur qui compte aux Etats-Unis, où la notion de solidarité est également importante.
Avant Barack Obama, le président républicain Richard Nixon avait fait siennes des idées aujourd'hui farouchement combattues par les républicains et figurant dans la réforme adoptée dimanche. Il était ainsi prêt à obliger les entreprises à fournir une couverture à leurs employés, sous peine de lourdes amendes, et entendait subventionner l'assurance-santé des travailleurs pauvres.
Reste qu'il échoua à réformer le système de santé. Tout comme Bill Clinton, dans les années 90. S'appuyant sur son expérience, M. Clinton a conseillé en décembre aux démocrates de faire passer un texte même imparfait, les mettant en garde contre la logique du tout ou rien. "L'Amérique, a-t-il dit, ne peut se permettre de laisser la perfection être l'ennemie du bien".
Barack Obama a retenu les leçons du passé. Privilégiant le pragmatisme à l'idéologie, il a renoncé à la création d'une couverture médicale publique. Un système qui a fait ses preuves ailleurs mais qui reste éloigné des valeurs traditionnelles américaines. AP
No comments:
Post a Comment