En désignant un duo très discret pour la représenter, l'Union européenne aurait renoncé, pour certains, à ses grandes ambitions planétaires. Ce ne serait-il pas plutôt un choix malin?
> Le Belge Van Rompuy sera le premier président de l'Europe (19 novembre)
Au surlendemain de sa nomination à la présidence du Conseil européen, le Premier ministre belge Herman Van Rompuy a fait au moins la preuve qu'il a le cuir épais: car, à entendre les commentaires assassins faits sur sa personne depuis sa désignation, on se dit que n'importe quel politique serait déjà mort de honte. Valéry Giscard d'Estaing qui, en son temps, aurait volontiers fait don de sa personne à l'Europe, résume un sentiment quasi-unanime en confiant que ce choix «témoigne d'une ambition limitée pour l'Europe au moment où se déroulent les grands dialogues mondiaux». Issue d'un pays eurosceptique La nomination de la baronne britannique Catherine Ashton of Upholland, au poste convoité de ministre européen des Affaires étrangères, produit la même unanimité : à peine connue de ses propres concitoyens, elle suscite la raillerie des journaux anglais, tout en provoquant l'incrédulité. Pourquoi confier une aussi éminente fonction à la représentante d'un pays euro-sceptique, non-membre de la zone euro, combattant souvent les initiatives en faveur d'une Europe dotée d'une diplomatie puissante et d'une défense collective digne de ce nom ? Face aux grands crocodiles européens L'unanimité se fait encore sur l'analyse des motivations des États ayant entériné ces choix : les grands crocodiles européens, Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et Gordon Brown en tête, se seraient mis d'accord sur des personnalités pâlottes à l'encéphalogramme politique plat, pour pouvoir continuer à apparaître comme les seigneurs du marigot. Sans doute.
Mais c'est faire peu de cas de la transfiguration que peut apporter la fonction : quand la personnalité vibrionnante et captatrice des éclairages médiatiques de Nicolas Sarkozy agaçait visiblement les Européens lors de la présidence française en 2008, l'Union peut avoir besoin d'un homme moins fulgurant peut-être, mais plus rassurant. Quand les positions parfois obstinées d'Angela Merkel bloquent des évolutions importantes, un Herman Van Rompuy plus consensuel pourra contribuer à trouver un juste milieu. Quant à Catherine Ashton, on la voit mal prendre les rênes de la diplomatie de l'Union en affichant des positions anti-européennes. Pas de procès d'intention Pourquoi ne pas imaginer plutôt qu'il s'agit d'un choix malin, qui contraindra le Royaume-Uni à s'ancrer davantage au Vieux continent? Ne faisons pas de procès d'intention. Premier ministre d'une Belgique soi-disant ingouvernable, Herman Van Rompuy n'est pas le benêt qu'on s'amuse à nous dépeindre. Et gageons que la baronne Catherine Ashton va s'attacher à nous démontrer qu'elle vaut mieux que sa réputation.
Jean Guisnel
> Le Belge Van Rompuy sera le premier président de l'Europe (19 novembre)
Au surlendemain de sa nomination à la présidence du Conseil européen, le Premier ministre belge Herman Van Rompuy a fait au moins la preuve qu'il a le cuir épais: car, à entendre les commentaires assassins faits sur sa personne depuis sa désignation, on se dit que n'importe quel politique serait déjà mort de honte. Valéry Giscard d'Estaing qui, en son temps, aurait volontiers fait don de sa personne à l'Europe, résume un sentiment quasi-unanime en confiant que ce choix «témoigne d'une ambition limitée pour l'Europe au moment où se déroulent les grands dialogues mondiaux». Issue d'un pays eurosceptique La nomination de la baronne britannique Catherine Ashton of Upholland, au poste convoité de ministre européen des Affaires étrangères, produit la même unanimité : à peine connue de ses propres concitoyens, elle suscite la raillerie des journaux anglais, tout en provoquant l'incrédulité. Pourquoi confier une aussi éminente fonction à la représentante d'un pays euro-sceptique, non-membre de la zone euro, combattant souvent les initiatives en faveur d'une Europe dotée d'une diplomatie puissante et d'une défense collective digne de ce nom ? Face aux grands crocodiles européens L'unanimité se fait encore sur l'analyse des motivations des États ayant entériné ces choix : les grands crocodiles européens, Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et Gordon Brown en tête, se seraient mis d'accord sur des personnalités pâlottes à l'encéphalogramme politique plat, pour pouvoir continuer à apparaître comme les seigneurs du marigot. Sans doute.
Mais c'est faire peu de cas de la transfiguration que peut apporter la fonction : quand la personnalité vibrionnante et captatrice des éclairages médiatiques de Nicolas Sarkozy agaçait visiblement les Européens lors de la présidence française en 2008, l'Union peut avoir besoin d'un homme moins fulgurant peut-être, mais plus rassurant. Quand les positions parfois obstinées d'Angela Merkel bloquent des évolutions importantes, un Herman Van Rompuy plus consensuel pourra contribuer à trouver un juste milieu. Quant à Catherine Ashton, on la voit mal prendre les rênes de la diplomatie de l'Union en affichant des positions anti-européennes. Pas de procès d'intention Pourquoi ne pas imaginer plutôt qu'il s'agit d'un choix malin, qui contraindra le Royaume-Uni à s'ancrer davantage au Vieux continent? Ne faisons pas de procès d'intention. Premier ministre d'une Belgique soi-disant ingouvernable, Herman Van Rompuy n'est pas le benêt qu'on s'amuse à nous dépeindre. Et gageons que la baronne Catherine Ashton va s'attacher à nous démontrer qu'elle vaut mieux que sa réputation.
Jean Guisnel
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