BERLIN CORRESPONDANTES
L'Allemagne est-elle en train de changer de position sur le nucléaire ? A l'approche de la campagne électorale pour les législatives de 2009, cette question préoccupe de plus en plus la classe politique outre-Rhin.
Depuis 2005, dans l'incapacité de rapprocher leurs vues, les deux partis de la coalition au pouvoir, chrétiens-démocrates (CDU-CSU) et sociaux-démocrates (SPD), appliquent l'accord de sortie du nucléaire signé en 2000 sous le gouvernement SPD-Verts, qui prévoit une fermeture progressive des centrales au plus tard en 2021. La droite entend bien pousser dans la campagne pour changer cette politique. Des voix isolées commencent aussi, à gauche, à demander de briser le tabou.
Ministre de l'économie de l'ex-chancelier social-démocrate Gerhard Schröder, Wolfgang Clement vient de jeter un pavé dans la mare en réclamant un débat de fond et la fin du statu quo sur ce sujet. "Ceux qui croient que nous pouvons renoncer dans un avenir prévisible aux centrales au charbon et atomiques et les remplacer en dix ans par les énergies renouvelables mettraient en danger l'Allemagne comme puissance industrielle et des dizaines de milliers d'emplois", a-t-il déclaré le 7 août.
Visé par une procédure d'exclusion du SPD, Wolfgang Clement, qui siège au conseil de surveillance d'une filiale de l'électricien RWE, n'incarne pas - et de loin - un courant majoritaire parmi les sociaux-démocrates. Personne, dans la direction du parti, n'osera remettre en cause l'accord avant les législatives de 2009. Mais M. Clement n'est pas seul. Le chef du syndicat de la chimie, Hubertus Schmoldt, a invité le SPD à "faire sauter la mentalité de béton encore très répandue sur la question du nucléaire".
Pour sortir du dilemme, l'une des têtes pensantes du parti social-démocrate, Erhard Eppler, a proposé début juillet d'inscrire la sortie du nucléaire dans la constitution allemande en échange d'un rallongement de l'activité des centrales.
Cette idée est un cadeau empoisonné à l'attention de la CDU-CSU. "Inscrire la sortie du nucléaire dans la Constitution serait encore pire pour nous", souligne un expert de la CDU. La chancelière Angela Merkel a rejeté cette proposition, même si, en coulisses, elle se réjouit de voir le débat évoluer.
Les unions chrétiennes CDU-CSU se montrent de plus en plus offensives pour obtenir le rallongement de l'activité des centrales. Le ministre-président de Bavière, Günther Beckstein (CSU), a déjà indiqué qu'il voulait faire de cette question une condition préalable à la formation d'un gouvernement en 2009. La hausse des prix du gaz et du pétrole ainsi que l'annonce faite par plusieurs pays européens de réinvestir dans cette technologie donnent des ailes aux partisans de l'atome. Le front des antinucléaires semble se fissurer. Un sondage récent de l'institut Wahlen montre que 54 % des Allemands sont favorables à l'allongement de la durée d'activité des centrales nucléaires. En décembre 2007, ils n'étaient que 40 %.
Néanmoins, les chrétiens-démocrates savent que l'opinion peut basculer très vite si un accident survient dans une centrale. Plusieurs de ses représentants mettent en garde la CDU contre une campagne en 2009 centrée sur l'énergie nucléaire.
En parallèle, les groupes énergétiques modifient leur stratégie pour mieux convaincre la classe politique de renoncer à l'accord de 2000. Ils évoquent la création d'un fonds qui rassemblerait une partie des bénéfices tirés de l'allongement de l'activité des centrales et qui financerait le développement des énergies renouvelables ou des tarifs énergétiques sociaux.
Pour les Verts, ce débat est bienvenu. Le parti, qui a construit son identité sur le mouvement antinucléaire, va pouvoir mobiliser ses troupes lors de la campagne électorale. Le président du groupe parlementaire écologiste, Fritz Kuhn, a annoncé des manifestations d'ampleur si l'accord était supprimé. Dans ce contexte, une coalition gouvernementale qui réunirait les unions chrétiennes, les Verts et les libéraux (FDP), en 2009, paraît compromise. Plusieurs hauts représentants des Verts viennent d'exclure un rapprochement avec la CDU au niveau fédéral.
Cécile Calla et Marie de Vergès
Article paru dans l'édition du 12.08.08.
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