Du 13 au 17 décembre
Jamais l'iconoclaste Keblouti n'a eu d'aussi nombreux hommages posthumes. Après les sempiternelles lectures au dernier Salon international du livre d'Alger, (SILA 2009) une récente rencontre à son propos au Centre culturel algérien de Paris, une autre au Palais de la culture d'Alger, voici que l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC), en partenariat avec "Neef Prod" et "ACM Event", des organismes habituellement versés dans la chose lyrique, lancent une tournée dénommée "Cinq escales pour une étoile" pour célébrer le 20ème anniversaire du décès de Kateb Yacine.Les escales se feront selon les organisateurs à Alger, Sétif, Constantine, Souk Ahras et Annaba. "L'objectif de cette démarche est d'abord de rendre un hommage à cet homme de lettres et de faire connaître à la jeune génération l'œuvre immensément riche de cet artiste entier qui a voué sa vie et ses créations à l'Algérie" disent les organisateurs. Pas un texte de Yacine dans nos fascicules scolaires, on se demande comment une génération à qui on n'a pas appris les rudiments de la lecture, peuvent se familiariser avec une œuvre extrêmement compliquée du fait de sa forme qui n'est pas linéaire ; et qui obéit à ce qu'on appelle l'écriture du nouveau roman. Au menu également de ce périple "Katebien" qui regroupe des gens de la culture, il y aura projection de films, représentation des pièces de théâtre, conférences et débats, galas artistiques signés cette fois par le rejeton de Kateb, Amazigh qui a sorti le 17 octobre dernier son opus, " Marché Noir " qui sera aux côtés de Djmaoui Africa. Côté conférences, Ahmed Cheniki interviendra aux côtés de Catherine Brun autour de son parcours théâtral et de son ouvrage "Nedjma". La dimension intellectuelle et humaine de l'écrivain et poète Kateb Yacine sera évoquée par le professeur de littérature à l'université d'Annaba, Cheniki qui retracera l'expérience théâtrale de l'auteur de Nedjma, qui avait décidé après 1970, d'écrire en arabe dialectal pour "dire le vécu et rompre, ainsi, avec le genre romanesque, en poursuivant son aventure artistique avec la réalisation de pièces, marquées par les jeux poétiques et l'engagement politique". D'autres rencontres théâtrales sont attendues, avec pour thèmes "L'étoile assombrie" de Brahim Hadj Slimane, ainsi qu'une lecture théâtrale assurée par Sid Ahmed Agoumi sur quelques extraits de l'ouvrage "Le cadavre encerclé". La plasticienne Zebeïda Chergui de concert avec Amazigh Kateb exposera une fresque qui s'appellera "Kateb Yacine, un théâtre et trois langues". Cela fait 20 ans depuis que l'iconoclaste Kaeblouti est décédé à Grenoble, des suites d'une leucémie foudroyante. L'écrivain, qui s'est appliqué à souffler du neuf dans la littérature algérienne par le procédé du nouveau roman. Une écriture, qui rompt avec un classicisme épuré et qui propose d'autres voix pour explorer le sens, celui de la forme. Ecrivain résolument tourné vers l'avenir, Kateb Yacine a pratiquement signé une seule œuvre, " Nedjma", dans laquelle il a exprimé sa vision du colonialisme et celle des libertés individuelles et collectives. Le roman qui n'obéit aucunement à une écriture classique, du fait que la trame ne présente ni intrigue ni dénouement, est classé parmi le genre " Nouveau roman", une littérature en vogue vers les années 50 ; notamment avec Tristan Zara et André Breton. Dans son livre, il s'agissait d'aller au-delà du récit lui-même pour explorer l'univers de l'écriture proprement dite. C'est-à-dire que le texte littéraire lui-même, et à lui seul, a un sens sans recourir aux significations d'une trame avec des personnages vivant une histoire sur fond de bouleversement. Le livre qui est traduit dans plusieurs langues, est jusqu'à ce jour, enseigné aussi bien dans les universités étrangères qu'algériennes. Féministe, le keblouti " s'est toujours rangé du côté des plus faibles. N'a-t-il pas dit à propos du livre de Yamina Mechkara, " La grotte éclatée " qu'il a préfacé, " Une femme qui écrit vaut son pesant d'or " ? Résolument révolutionnaire, l'auteur de "L'homme aux sandales de Caoutchouc", a fait savoir aux Français dans leur propre langue, le refus de tout un peuple pour l'asservissement et l'avilissement. Né le 6 août 1929, à Constantine, Kateb Yacine a très tôt évolué dans un univers poétique et musical, sa mère qui perd la raison après les événements de mai 45, excellait dans cette littérature orale. Entre 1934 et 1935, le jeune Kateb au nom prédestiné -littéralement écrivain- entre à l'école coranique de Sedrata puis à l'école française (à Lafayette Bougaâ en basse Kabylie, l'actuelle dans la wilaya de Sétif) où sa famille s'est installée, puis en 1941, comme interne, au collège Albertini (Sétif) devenu Kerouani après l'indépendance. Il se trouve en classe de troisième quand éclatent les manifestations du 8 mai 1945 auxquelles il participe, et qui s'achèvent par le massacre de plus de 40.000 algériens par la police et l'armée françaises. Trois jours plus tard, il est arrêté et détenu durant deux mois. Exclu du lycée, traversant une période d'abattement, plongé dans Baudelaire et Lautréamont, son père l'envoie au lycée de Annaba (ex-Bône). C'est là qu'il vivra un total bouleversement avec la rencontre de " Nedjma " (l'étoile), une cousine déjà mariée avec laquelle il vécut " peut-être huit mois ", confiera-t-il dans son premier recueil de poèmes en 1946. Cette rencontre d'un amour impossible va lui servir de prétexte pour dire son amour d'abord pour l'Algérie, la métaphore de Nedjma ensuite pour cet amour déçu. En 1947 Kateb arrive à Paris, " dans la gueule du loup " et prononce en mai, à la Salle des Sociétés savantes, une conférence sur l'Emir Abdelkader, adhère au Parti communiste algérien. Au cours d'un deuxième voyage en France, il publie l'année suivante Nedjma ou le Poème ou le Couteau (" embryon de ce qui allait suivre ") dans la revue " Le Mercure de France ". Par Rebouh H.
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