L'Inde dans la Lune
(Agence Science-Presse) - Quel est le point commun entre le premier engin spatial indien lancé aujourd’hui vers la Lune, le vol spatial chinois habité du mois dernier et le programme de retour sur la Lune de la NASA? Le point commun: la politique.
Il faut savoir que le programme spatial indien est âgé de... 39 ans. À la grande surprise de la majorité des Occidentaux, qui n’en entendent vraiment pas souvent parler. Or, pendant ces 39 années, il s’est presque entièrement consacré à un usage pratique de l’espace: météorologie, télédétection et télécommunications, incluant un réseau de télémédecine et de télé-enseignement reliant ses régions éloignées et qui ferait l’envie de bien des pays riches.
Avec la sonde Chandrayaan, lancée à l’aube du 22 octobre, l’Agence spatiale indienne (ISRO) brise la tradition « pratico-pratique » pour privilégier le prestige politique. La sonde, qui cartographiera la surface lunaire et ses ressources pendant les deux prochaines années, larguera surtout un « impacteur » qui, avec son petit drapeau indien, ira s’écraser sur notre satellite —en faisant ainsi le quatrième pays de l’histoire à se « poser » là-haut : après les États-Unis, l’URSS, le Japon... et avant la Chine.
Si les autorités indiennes insistent depuis longtemps pour prétendre qu’ils ne se sentent pas impliqués dans une « course à la Lune » avec la Chine (voir ce texte), les déclarations des dernières semaines, en revanche, insistent beaucoup sur le fait que la sonde indienne accomplira sa mission pour 79 millions$, un sixième du coût d’une mission américaine similaire.
Au-delà de cette rhétorique, le programme spatial indien se démarque de ses comparses américains, soviétiques et même chinois : il n’est pas né comme une extension de programmes militaires. « Parce qu’il s’est développé plus tard, il a dû être justifié en terme de retombées sociales », explique un ancien administrateur de l’ISRO au quotidien américain Christian Science Monitor.
Une relève de la garde?Les observateurs n'ont pas manqué de remarquer que les succès indien de cette semaine et chinois du mois dernier, surviennent au moment où les États-Unis semblent n’aller nulle part : leurs navettes spatiales sont proches de la retraite, le sort de la station est entre les mains des Russes, et le programme de retour sur la Lune demeure mal défini. L’avenir de l’exploration spatiale se lève-t-il en Asie?Le budget de l’agence spatiale indienne (ISRO) correspond au dixième de celui de l’agence spatiale américaine (NASA). Une synthèse de ce nouveau phénomène : La course à la Lune, chapitre deux Perspective d’avenir : 100 ans après SpoutnikChandra veut dire “Lune” et Yaan, “véhicule”. Voir le (modeste) site web de l’ISRO
C’est ainsi que les besoins proprement indiens ont prévalu —améliorer les conditions de vie d’une population très pauvre, soumise à des variations climatiques parfois extrêmes, et dont plus de 600 millions (plus de la moitié de la population du pays) vit dans des régions rurales, certaines très en retard économiquement parlant. Depuis les années 1970 :
- des satellites de télédétection ont analysé la surface du pays, à la recherche de nappes d’eau souterraines; - des satellites de communication ont rejoint des écoles loin des grands centres;- même de futurs ingénieurs, dans des collèges éloignés, profitent de la « télé-présence » d’enseignants des grandes villes, plusieurs heures par jour;- et des patients trop pauvres pour se rendre en ville ont peuvent rencontrer virtuellement des médecins via satellite.
Cette ère de l’usage exclusivement pratique de l’espace est-elle terminée? Chose certaine, les médias parlent déjà, cette semaine, d’une mission indienne habitée vers la Lune vers 2014 ou 2015 —soit, là aussi, avant les Chinois, qui en prévoient une pour la fin de la décennie 2010. Mais les autorités indiennes asssurent que la décision de lancer un programme de missions habitées dans l’espace n’a pas encore été officiellement prise.
Pascal Lapointe
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