Eaux des cuisines, des toilettes, eaux industrielles... toutes sont utilisées fréquemment dans les zones urbaines par les agriculteurs qui nourrissent les grandes villes des pays en développement. Selon un rapport publié, lundi 18 août, par l'Institut international de gestion des ressources en eau (IWMI), dans le cadre du Sommet mondial de l'eau, à Stockholm, au total au moins 20 millions d'hectares seraient cultivés dans le monde avec des eaux usées, principalement pour produire des légumes et du riz.
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C'est le cas en Chine, en Inde ou au Vietnam, mais aussi pratiquement autour de chaque ville d'Afrique subsaharienne et en Amérique latine. Au total, 200 millions d'agriculteurs auraient recours aux eaux usées, non ou partiellement traitées.
Les auteurs concluent que cette pratique, dans un contexte de rareté de l'eau et de crise alimentaire, est inévitable. S'ils énumèrent ses aspects néfastes sur la santé humaine et l'environnement, ils évoquent aussi ses avantages, car, sans elle, l'offre alimentaire des zones urbaines serait largement moindre. Ainsi à Accra, au Ghana, 200 000 personnes achètent chaque jour des légumes produits sur 100 hectares de terres irriguées avec des eaux usées. Cette pratique offre aussi un moyen de subsistance aux plus pauvres, souvent des femmes, et aux paysans ayant récemment quitté la campagne.
PRODUITS CHIMIQUES
Le rapport de l'IWMI, portant sur 53 grandes villes, montre que le recours aux eaux usées ne se limite pas aux pays les plus pauvres, mais qu'il existe aussi au Moyen-Orient ou au Mexique. "Même si des lois obligent à traiter les eaux usées, il n'y a souvent pas de moyens de contrôle, explique Liqa Raschid-Sally, l'un des auteurs. Et si les eaux usées sont recueillies, souvent les stations d'épuration ne fonctionnent pas bien."
Trois facteurs déterminent le recours aux eaux usées : l'augmentation de la consommation d'eau dans les villes qui pollue les sources d'irrigation traditionnelle ; la hausse de la demande alimentaire qui favorise la production de proximité dans des lieux où les sources d'eau sont polluées ; et enfin la non-disponibilité d'approvisionnements en eau moins chers et plus sûrs.
Jugeant qu'il est impossible de traiter l'ensemble des eaux usées, les auteurs optent pour une approche pragmatique et de moyen terme, et listent les progrès qui peuvent être accomplis pour conserver ces pratiques, tout en en diminuant les risques : laver les légumes mangés crus, stocker de l'eau dans des étangs pour laisser se déposer les matières solides ou encore, comme à Ouagadougou, pour l'utiliser ensuite selon son apparence, son odeur, voire son goût.
Le rapport met l'accent sur le problème des eaux industrielles qui, dans 70 % des villes étudiées, ne sont pas séparées dans les systèmes d'évacuation. "Si l'on connaît les risques de l'utilisation des eaux domestiques, et que l'on peut soigner les maladies qu'elles provoquent, ce n'est pas le cas pour les produits chimiques", explique Mme Raschid-Sally.
Laetitia Clavreul
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