Monday, June 27, 2011
Mr Djamel Klouche architecte
Mr Djamel Klouche est le benjamin des dix architectes choisis par le
président de la République française, Mr Nicolas Sarkozy, pour imaginer -
comme le fit, en son temps, le baron Haussmann - l’avenir de Paris et
de sa métropole. Mr Richard Rodgers, Mr Christian de Portzamparc, MrJean
Nouvel… : dans ce parterre de stars internationales de l’architecture
appelées à révéler leur « Grand Paris » au début de 2009, Mr Djamel
cultive sa différence. Le 4 juin dernier, sur le perron du palais de
l’Élysée, lors du lancement de la consultation qui doit permettre de
hisser la région parisienne au rang des grandes mégapoles
internationales, il pose pour la photo avec une décontraction
déconcertante. Sourire aux lèvres et chemise ouverte, il a toute
l’assurance des très chouchoutés petits derniers. « Notre agence a été
sélectionnée parce que nous faisons partie des rares jeunes architectes
à nous intéresser à la ville », explique-t-il, heureux d’avoir attiré
l’attention présidentielle.
Si cet Algérien arrivé en France il y a vingt-quatre
ans reçoit, aujourd’hui, un tel galon, c’est sans doute parce qu’il
s’est toujours trouvé là où on ne l’attendait pas. Alors que les
architectes de sa génération rêvent de gloire et de grands bâtiments,
lui s’intéresse à la ville dans son ensemble et se positionne sur un
créneau délaissé, l’urbanisme. Résultat : son agence, fondée en 1996
avec François Decoster et Caroline Poulin - sa compagne et mère de ses
deux enfants -, connaît un développement que beaucoup lui envient.
Baptisée AUC, Ab Urbe condita (« depuis la fondation de la ville », en
latin), elle emploie aujourd’hui une quinzaine de salariés à plein
temps, qui travaillent sur mille et un projets.
Tandis que nombre de ses confrères déplorent les
contraintes de travail imposées par les villes européennes
d’aujourd’hui, largement déjà construites, Djamel théorise, lui - avec
audace et poésie -, l’art du « faire avec », plus connu sous le nom
d’« urbanisme de recyclage ». Au gré des occasions et des projets qu’on
lui confie, notamment sur les grands ensembles (Pantin, Villetaneuse,
etc.) qu’il est de bon ton de vouloir détruire, il revendique une
modification en douceur des tissus urbains. « Ces bâtiments sont là,
pourquoi faudrait-il les raser ? » serine-t-il, prônant plutôt leur
rénovation, à la faveur de microprojets chargés de réinventer l’art de
vivre dans les cités.
Hyperactif, Mr Klouche trouve aussi le temps de se
consacrer à l’enseignement. Professeur à l’École nationale supérieure
d’architecture de Versailles, il récolte un succès qui ne se dément pas
auprès des étudiants préparant leur projet de fin d’études. Même s’il
ne peut leur consentir des rendez-vous à son agence… qu’« à 2 heures du
matin » !
Né à Tlemcen, en Algérie, où il a vécu jusqu’à 18 ans, Djamel Klouche
est l’avant-dernier d’une tribu de sept enfants. Un frère centralien,
une sœur professeur de biologie ; dans cette famille de scientifiques,
il est « celui qui sort de la lignée », s’amuse-t-il. Sa réussite,
Djamel la doit probablement en partie à son père. « J’ai hérité de son
ambition », raconte-t-il en dressant le portrait d’un personnage
marquant, qui a longtemps vécu à Paris avant de regagner l’Algérie pour
y fonder, à 50 ans, une famille avec une femme de trente ans sa
cadette. Agrégé de sciences naturelles, diplômé de sciences politiques
et, plus tard, professeur d’université, pharmacien et même assistant du
recteur de la Mosquée de Paris, Abdelhamid Klouche a multiplié les
sujets d’études et collectionné les métiers. « C’est lui qui nous a
envoyés faire nos études à Paris », se souvient Djamel avec émotion.
Une famille éparpillée entre la France et l’Algérie, un
père qui avait l’âge - et l’air - d’être grand-père : de cet héritage
singulierMr klouche a tiré une grande autonomie, aujourd’hui érigée en
posture. Autonomie qui lui a sans doute, aussi, permis de forcer son
destin…
À 20 ans, alors qu’il est accepté en deuxième année de
classe scientifique préparatoire, il opte finalement pour
l’architecture. Inscrit à l’école d’« archi » Paris - Val-de-Seine, il
refuse « d’être formaté par un courant de pensée », et multiplie
activités et conférences à l’extérieur. Elles feront naître chez lui un
intérêt marqué pour la ville : « C’est encore quelque chose que mon
père, qui s’intéressait beaucoup à la politique, nous a inculqué :
j’ai découvert que de vraies questions politiques se posaient à
l’échelle des cités. »
Son diplôme en poche, Djamel se lance donc tout
naturellement dans un DEA « Territoires urbains » à l’École des hautes
études en sciences sociales (EHESS), puis dans un DESS « Aménagement et
urbanisme » à Sciences-Po, où il rencontre François Decoster. Avec lui
il engage, dans le cadre de son cursus, une étude sur la ville de
Hanoï : l’équipe d’AUC, encore balbutiante, est frappée par l’urbanisme
de la capitale vietnamienne, qui se modifie sous leurs yeux à coups de
petites initiatives privées. Le projet aboutit à un rapport édité par
l’Institut français d’architecture (IFA) qui dessine les premiers
contours de la « griffe » Djamel Klouche : valoriser l’existant -
plutôt que de le détruire - en le réimaginant.
À l’échelle de Paris - où son agence est installée rue
Lafayette, au quatrième étage d’un bâtiment qui n’a rien à envier aux
entrepôts longeant les voies de chemin de fer de la gare du Nord,
située non loin de là -, il entend appliquer cette théorie à la lettre.
« On peut réinventer des bâtiments ou des quartiers tout en respectant
le patrimoine », explique-t-il encore et toujours, les yeux rivés sur
le patchwork de plans préfigurant la capitale française de demain qu’il
a accrochés au mur de son bureau.
Mais alors que le mois d’octobre, date butoir des
premiers rendus de son projet, approche à grands pas, Klouche semble ne
pas avoir, encore, d’idées arrêtées de son projet. Une direction est
toutefois revendiquée : « Nous arrivons au bout du modèle
radioconcentrique, explique-t-il. Nous allons plutôt regarder en
direction de la “ville diffuse” : il faut avoir une réflexion pour
développer la “basse densité”, se demander comment diffuser la ville
jusque dans les territoires agricoles par exemple », conclut-il avant
de promettre d’innover sur la question des transports, qu’il juge
structurante.
Esthète, soucieux de son apparence, même si sa coiffure
négligée voudrait faire croire le contraire, Klouche porte ce jour-là
un tee-shirt noir sur lequel est inscrit en lettres d’or : I want more
« Il m’en faut plus. » Plus de projets, plus loin et… plus proches de
l’Algérie. À terme, Djamel aimerait, en effet, « une vie entre-deux »,
entre Paris et Alger, ville à laquelle il rêve de donner une
architecture qui la replacerait au centre de la scène méditerranéenne.
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